Reportage dans les rues de Bizanet au lendemain de violents départs de feu qui ont mis en péril des habitations du village et obligé à une centaine d’évacuations. La solidarité s’est mise en place et le travail des pompiers est salué par tout un village.
En arrivant à Bizanet depuis Saint-Antoine, on longe une végétation calcinée où de nombreuses fumerolles s’élèvent au-dessus d’un paysage devenu couleur charbon. Puis le village se dévoile. On y pénètre par le haut du lotissement de la Croix-de-Fer et par sa rue éponyme. Ici, les flammes ont léché les maisons et les villageois ont cru tout perdre.

Ce lundi 30 juin au matin, après des heures d’angoisse nocturne, les habitants s’activent à effacer les stigmates d’une nuit de combat contre le feu. Le plus impressionnant ? Le goudron des routes, les toitures des maisons, les baies vitrées des vérandas ou les terrasses des villas : tout est badigeonné d’un bordeaux caractéristique du retardant lâché par avion. Les largages se sont succédé durant de longues heures, dimanche après-midi. Des pluies rouges se sont abattues sur le village, évitant le pire et empêchant les maisons de partir en fumée. Alors, ces traces carminées semblent presque anecdotiques, ce lundi matin.
« Quand on a vu les flammes, on a su qu’il fallait partir »
« Je préfère ça à ne plus avoir de maison. » Eliette s’affaire sur sa terrasse, où les végétaux ont perdu leur superbe vert, remplacé par un rouge aussi inattendu que porteur d’espoir. Dimanche, elle n’a pas hésité : « Quand on a vu les flammes, on a su qu’il fallait partir. Dans le village, il y a eu un bel élan de solidarité », confie-t-elle.
Régis, à vélo, descend la rue et rend visite à ses voisins pour prendre des nouvelles : « On a sorti les véhicules. On a préparé les tuyaux d’arrosage, comme les pompiers nous l’ont demandé, pour se protéger des dangers des braises volantes. Et après… on était assez impuissant. Ce sont les Canadair qui nous ont sauvés. »
« Tout ça nous ramène à l’essentiel »
En bas de la rue de la Croix-de-Fer, le rond-point est bloqué par la gendarmerie. Seuls les habitants ont droit de passage, sur présentation de papiers d’identité et de la carte grise. Corine échange avec Nathalie : « Tout ça nous ramène à l’essentiel. Quand je vois la solidarité qui s’est mise en place dans le village… C’est fou de devoir vivre ce genre de choses pour se rendre compte qu’on n’est pas grand-chose, et qu’on a besoin les uns des autres. »

Oui, dimanche soir, Bizanet a joué la carte de la solidarité. « Nous avons accueilli une centaine de personnes dans la salle communale prévue à cet effet, explique Alain Vialade, maire de Bizanet. Nous avions installé des lits, mais ils ont été inutilisés : tous les évacués du camping ou de leur domicile ont été hébergés par les habitants. Une belle solidarité s’est mise en place. » Ce lundi matin, l’entraide villageoise continue avec des visites aux plus touchés. Histoire de s’assurer qu’ils ne manquent de rien.
Le feu s’est arrêté tout près
Dimanche après-midi, la bienveillance a aussi pris la forme de la vigilance : « C’est ma voisine qui m’a prévenue. Il faisait très chaud, j’avais fermé tous les volets et mis la clim’. Je m’apprêtais à regarder Slam à la télé quand mon téléphone a sonné. » Odile est encore au téléphone dans sa cour, ce lundi matin. Elle observe les dégâts : une véranda repeinte au retardant, un grillage arraché, une séparation de voisinage défoncée. Les pompiers, semble-t-il, ont installé leurs camions dans la cour et utilisé la piscine du voisin pour pomper de l’eau. Une manœuvre sans doute décisive : le feu s’est arrêté à quelques centimètres de sa clôture.

Patricia aussi était au frais quand sa nièce l’a alertée. « On est sorti sur le balcon, et on a vu les flammes sur le massif, juste en face. On a sorti les voitures, et on est parti. Faut pas chercher à comprendre dans ces cas-là. On a vécu pas mal d’émotions avec les largages des Canadair : quand ils passaient, on était rassuré… mais les flammes réapparaissaient presque aussitôt. On a pu rentrer vers 11h30, peut-être minuit. On a mangé avec les voisins, et on a offert boissons, sandwichs, fruits… Tout ce qu’on pouvait, aux pompiers. Ils font un métier incroyable. On ne les remerciera jamais assez. »
Des odes aux soldats du feu, il en résonnait à chaque coin de rue, ce lundi, à Bizanet. En déclinant une prise de photo, Corine glisse : « Ce n’est pas moi qu’il faut prendre en photo, mais les pilotes de Canadair, les pompiers. Ce sont eux, les vrais héros. » Et Nathalie d’ajouter, avec un sourire pour alléger cette matinée post-apocalypse : « Il y aura quand même eu un point positif… Hier soir, un pompier m’a prise dans ses bras ! »
Arnaud Gauthier
Photo : l’action des pompiers est saluée par tous les habitants. ©Sdis 11