Ce lundi 1er septembre, en fin de journée, de violents heurts ont éclaté entre teufeurs et riverains du site où est installée une rave party illégale depuis la nuit de vendredi 29 août à samedi 30 août.
Les images sont d’une rare violence. Une bataille rangée où des habitants de Fontjoncouse, de Coustouge et des environs sont venus chasser d’eux-mêmes les participants d’une rave party installée ici depuis trois jours. Un site toujours incandescent des séquelles de l’incendie de Ribaute qui a ravagé plus de 16 000 hectares le 5 août et ouvert des cicatrices encore béantes. Les pouvoirs publics ont laissé 2 500 teufeurs et plus de 500 véhicules prendre possession des lieux. De quoi faire monter, au fil des jours, la température… Reportage quelques heures seulement avant l’explosion de la violence. La tension était palpable. La révolte couvait.
Une rave avec l’apocalypse comme décor
Des kilomètres de terre brûlée, d’arbres calcinés, de rangs de vigne asséchés. Pour parvenir au site de la rave party sur les hauteurs de Fontjoncouse, il faut parcourir un décor d’apocalypse, fruit (maudit) de l’incendie du siècle, traverser les vestiges d’un paysage unique qui dessinait, jusqu’au 5 août dernier, la beauté singulière des Corbières.
Faune comme flore, le feu de Ribaute a tout détruit et sérieusement mis à mal la patience et la tolérance d’habitants à bout. Dans ce contexte, l’installation illégale d’une rave party passe mal. Un rassemblement « de la honte » est lancé à chaque échange avec les résidents de Fontjoncouse ou ceux du voisin Coustouge. Dans ce climat hostile, certains raveurs continuaient, lundi en début d’après-midi, de plaider leur cause. Inaudibles pour les Audois.
« L’organisation n’était pas à la hauteur »
« Vous êtes bien tombé avec nous parce qu’on trouve que cette teuf n’était pas à la hauteur en terme d’organisation. » Elijah et Zaz, 22 ans, parcourent à pied la D106 pour regagner en stop leur Ariège natale. Ils viennent de passer deux jours sur le site de la rave et n’en gardent pas que des bons souvenirs. « Ces rendez-vous sont régis par des règles. Peu de personnes le savent mais il y a des fondamentaux à respecter et là, il manquait cruellement de tout. Le minimum, c’est un stand de RDR (Réduction des risques, NDLR) pour la prise de stupéfiants afin de faire de la prévention et là… rien ! »

Si les deux jeunes teufeurs ont quelques griefs contre l’organisation, ils ont du mal à comprendre les reproches adressés par la population locale.« D’abord, on ne savait pas en arrivant ici qu’on serait en plein coeur des ravages de l’incendie, plaide Elijah. Vraiment. On reçoit des messages pour nous indiquer le lieu mais on n’a pas eu plus de précision et c’est vrai qu’on aurait pu nous donner plus de détails. Après, on a pour habitude de laisser les lieux plus propres que ce qu’on peut trouver après des festivals « officiels ». Donc ce reproche de venir tout saccager, ça ne marche pas. Encore plus sur un site et une propriété qui ont été détruits par le feu. »
« Je trouve le symbole intéressant »
Et quand on évoque des questions d’ordre moral sur le fait de venir danser et faire la fête là où des gens ont tout perdu, Zaza coupe net : « Moi je trouve le symbole plutôt intéressant de venir apporter des ondes musicales et festives, de venir apporter la vie là où des flammes ont tout brûlé. Je trouve ça beau même. »

« Il faut penser à ceux qui ont tout perdu »
Un argumentaire qui ne passe pas auprès des habitants. Bernard, retraité revenu au village après sa vie d’actif, observe l’animation autour du barrage de gendarmerie de l’autre côté du pont qui enjambe le ruisseau de Coustouge. « C’est un peu facile comme raisonnement. Ceux qui ont fait la fête n’ont rien perdu et il faut penser aux gens qui ont tout perdu. Un peu de solidarité quand même ! Il y a des gens qui ont poussé les voitures des raveurs dans des ravins paraît-il… mais on peut les comprendre après tout ce qu’on vient de subir.«

Une incompréhension et une colère que partage Christophe Tena. Le maire de Fontjoncouse a répété à l’AFP et aux médias venus le solliciter depuis ce week-end : « Après les incendies qu’on a connus, les habitants sont à bout de nerfs, on a des gens qui ont tout perdu. Ça va mal finir ! »
Le premier magistrat avait malheureusement vu juste. Lundi en fin d’après-midi, armés de bâton, des villageois sont venus chasser les raveurs. Sous les yeux de gendarmes en poste depuis trois jours.
Arnaud Gauthier
Photo principale : lundi les heurts ont éclaté en fin d’après-midi sur le site de la rave party. ©A.G.