Au château de Saint-Eutrope, une année sans vendange en plein coeur des Corbières

access_time Publié le 24/09/2025.

Les 42 hectares du domaine familial de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse ont été mis à mal par l’incendie de. Comme d’autres vignerons, le château de Saint-Eutrope ne ramassera pas de raisins cette année. Une situation subie aux multiples conséquences.  

 “Nous sommes la cinquième génération à travailler sur l’exploitation. On n’a pas envie d’être la dernière.” Le 13 août 2025, à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, au milieu de grappes calcinées par l’incendie des Corbières, Maxime Verdale interpellait par ces mots simples et directs la ministre de l’Agriculture, venue sur place jauger les dégâts. Une formule qui prend tout son sens aujourd’hui : la famille Verdale, vignerons indépendants, ne fera aucune récolte en 2025. Leur domaine, le château de Saint-Eutrope, fait partie de ceux qui n’ont pas eu le choix. Le goût de fumée ayant eu raison des rares grappes épargnées par les flammes. Une année blanche, après un été rouge, qui va marquer l’exploitation comme les Corbières sur plusieurs exercices.  

13 août 2025, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, s’était rendue à Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse.

 “Pour les raisins brûlés et échaudés, la question ne se posait pas, on ne pouvait pas les vendanger cette année. En revanche, nous avions des espoirs pour ceux touchés uniquement par les fumées”, explique Emilie Verdale, soeur de Maxime, fille d’Olivier et nièce de Jean-Louis… Sur les 42 hectares du domaine familial, il est pour l’heure impossible de savoir combien pourront continuer à produire dans les années à venir mais les Verdale misaient beaucoup sur les 8 hectares épargnés par l’enfer des flammes et “seulement” touchés par les affres des fumées. 

“Nous ne ramasserons aucun raisin cette année, c’est un crève-coeur” 

Des espoirs rapidement douchés. Les vignerons ont dû accepter la sentence des laboratoires et leurs analyses sans appel : “Les fumées ont totalement altéré la qualité des raisins. On nous a clairement dit que ce n’était pas la peine de vendanger, que tout serait perdu.” 

Après avoir fait face à l’incendie et ses conséquences pendant plusieurs semaines, Emilie et tout le château Saint-Eutrope reprennent un coup sur la tête.  “La nouvelle nous semblait irréelle au début. On n’y croyait pas, au sens premier du terme. On a même demandé à un second laboratoire de nouvelles analyses”. Ces nouveaux résultats le confirment : “Nous ne ramasserons aucun raisin cette année, c’est un crève-coeur mais nous avons dû nous faire une raison”, concède Maxime.  

Deux cuvées mises en bouteille pour faire face à 2026 

L’abdication n’est pas le genre de la maison. Les jours suivants, l’entraide familiale et celle des amis tourne à plein régime pour trouver des solutions. Dans la lie de tristes nouvelles qui ont succédé à l’incendie, une goutte d’espérance est arrivée au domaine : le guide Hachette a décerné son coup de coeur à la cuvée Maximus. Un Corbières 2023 dont les cuves du domaine gardaient précieusement quelques hectolitres. 

La vigne donne des signes de vie. ©A.G.

Ni une ni deux, les Verdale décident à l’unisson de relancer une mise en bouteille de ce trésor familial. Et quitte à mobiliser des bras et le camion d’embouteillage, ils lancent en parallèle une nouvelle cuvée avec du Corbières 2022, cette fois. Nom de baptême : L’Ogre des Corbières. “On avait une cuve qui était en élevage en cave. On s’est dit “plutôt que de faire une cagnotte, essayons de vivre avec le fruit de notre travail qui est le vin”. Et pour la cagnotte, on verra plus tard, si un jour on est à l’agonie…”, explique Emilie.  

Comment la vigne va-t-elle réagir ? 

Car même si le domaine est baigné d’un optimisme à toute épreuve, les prochains mois ne seront pas faciles à gérer. “En rosé, il nous reste 900 bouteilles et en pinot noir, environ 250 cols… ce qui est dérisoire. D’ici décembre, tout aura disparu. Il ne restera plus que Maximus et l’Ogre des Corbières, c’est vraiment peu. Et aller rencontrer des cavistes et des restaurants avec uniquement deux profils, c’est compliqué commercialement. On risque de perdre des clients…” Au château de Saint-Eutrope comme pour tous ceux qui ne rentreront pas de raisin cette année, on aurait largement préféré vendanger. Même si l’aide annoncée par la ministre de l’Agriculture avec une enveloppe de 7M€ est la bienvenue, les points d’interrogations sont légion pour les viticulteurs des Corbières. Pour l’avenir proche, il va falloir tenir sans cuvée pour 2026, voire 2027 pour celles nécessitant 12 mois d’élevage.  

Pour le moyen terme, la réaction des vignes touchées par les flammes est de toutes les discussions dans les Corbières. Va-t-elle repartir ? Comment ? “Nous sommes plutôt confiants car on voit que la vigne est bien vivante. On a même des bourgeons par endroit. Les experts nous disent d’être prudents parce que ça peut juste être une montée de sève ponctuelle…” Une sorte de dernier sursaut de la vigne. Le comportement végétatif est pour l’heure parfois surprenant. Au château Saint-Eutrope, on les scrute avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : “Pour les pieds qui ne repartiront pas, si on doit replanter et attendre que la vigne soit capable de produire, ça veut dire cinq années sans véritable production…” 

Émilie Verdale s’est donc fait une raison : “On prend les choses au compte-goutte. Ce feu a détruit des maisons, des vies et il s’est arrêté à quelques mètres de notre cave et de logements de personnes âgées. Cela aurait pu être beaucoup plus dramatique.” Une belle faculté à toujours voir… le verre à moitié plein. 

Arnaud Gauthier 
Photo : Emilie Verdale et le château de Saint-Eutrope vont rapidement se retrouver avec seulement deux cuvées à commercialiser. ©A.G.

Ciel rouge, cuvée spéciale à la cave coopérative 

Le Cellier des demoiselles, la cave coopérative de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, s’est associée au château Les Palais et au domaine de Montjoie pour élaborer de concert une cuvée spéciale baptisée Ciel Rouge. Un Corbières de 2024 embouteillé à 10 000 unités. Chacune est commercialisée à 8,5€ dont 1€ reversé à l’amicale des pompiers. Une production pour remercier les pompiers qui ont oeuvré contre l’incendie et aussi pour redonner de l’espoir à une cave coopérative et des vignerons qui traversent une période post-incendie des plus compliquées. 

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