Le Narbonnais avait pris ses fonctions un 16 juin. Il les quitte un 19. Deux années presque jour pour jour à la présidence du Conseil régional des notaires de la cour d’appel de Montpellier.
En deux ans, le notaire narbonnais Philippe Martin aura accompagné une profession profondément transformée, entre crise immobilière, réformes de structure, pression sociétale et renouveau générationnel. Sans tapage, mais “sans fléchir”.
Une gouvernance en héritage
Quand il est élu en 2023, Philippe Martin sait qu’il n’aura que deux ans pour agir. Le Conseil régional des notaires se renouvelle par tiers tous les deux ans. Le président n’est pas nommé pour un mandat plein, mais pour accompagner la transition, installer une dynamique. “J’ai fait ma part”, glisse-t-il. Sans amertume, juste un sens aigu des temporalités propres aux institutions.
Dans cette maison qu’il connaît bien, il aura cherché à stabiliser, à structurer, à ramener de la cohérence dans un moment de recomposition accélérée. “En dix ans, on a plus changé qu’en deux siècles”, constate-t-il. Le chiffre donne le vertige : 400 notaires dans la cour d’appel de Montpellier il y a dix ans, 600 aujourd’hui. 190 offices, désormais 292. Le big bang Croissance est passé par là, et “les secousses continuent”.
“Retrouver la mesure du métier”
Au sortir de la pandémie, l’activité est encore florissante. Puis, à partir de 2022, le marché immobilier s’effondre. En deux ans, près d’un emploi sur cinq disparaît. L’onde de choc est violente. “On perd alors 18 % des postes. Et en même temps, certaines zones restent en tension : Montpellier, Perpignan…”, se souvient le notaire. Le constat est lourd : le modèle vacille.
Face à ce paysage instable, Philippe Martin choisit de resserrer les lignes, avec trois mots comme boussole : “humilité, solidarité, discipline”. Il en est convaincu : “On ne fait pas ce métier pour avoir des tailleurs ou des voitures de sport. On le fait parce qu’on porte un statut. Et ce statut engage”. Ce qu’il appelle “la mesure du métier”, c’est cela : être à sa place, et à la hauteur.
Une ligne de crête
Dans une société saturée de conflits, le notariat reste d’après lui un îlot. “On est des magistrats de l’amiable. Des médecins de la prévention.” Il voit bien, Philippe Martin, que la justice déportée par manque de moyens finit par atterrir sur le bureau du notaire. Et que ce dernier accepte, trop souvent. Par dévouement, par habitude, ou parce qu’il n’a pas les moyens de dire non.
Mais cette porosité a un prix : “Pour qu’un conseil soit bon, il faut être à jour. Et ça, le client ne le voit pas. Il ne va pas accepter 100 euros pour un conseil qu’il pense “inclus” dans l’acte. Mais ce conseil, c’est du temps, de la veille, de la matière grise.”
C’est ici que se joue, selon lui, une ligne de crête : entre service public et entreprise libérale. “On n’est pas des chefs d’entreprise classiques. On exerce une autorité. Et cette autorité, c’est la République qui nous la délègue.”
Le notaire, “officier de la République“
C’est un rappel qu’il martèle, presque comme un mantra : “Les gens ne viennent pas nous voir parce qu’on est beaux ou intelligents. Ils viennent parce qu’on est notaires.” Et cette qualité d’“officier public” ne relève pas de la rhétorique. Elle impose un cadre, un langage, une discipline. “On a prêté serment. Ne pas le respecter, c’est du parjure. Et le parjure, c’est pénal.”
Cette exigence se traduit concrètement : nouveau code national de déontologie, entré en vigueur en 2024, fin des chartes locales, harmonisation disciplinaire au niveau interrégional (Montpellier, Toulouse, Lille). Et depuis janvier 2025, une montée en puissance des inspections : un passage annuel prévu dans chaque étude. “Trop ambitieux” selon lui, mais symbolique d’une profession qui entend se regarder en face.
Louise Brahiti
Photo : Philippe Martin, président des Notaires du Midi ©L.B