De Paris à Narbonne, de Spirou à Astérix… Fabrice Tarrin, itinéraire d’un enfant gâté de la BD

access_time Publié le 24/10/2025.

Alors que le dernier album d’Astérix vient tout juste de paraître, rencontre avec Fabrice Tarrin. Connu pour son dessin de Spirou, l’artiste a aussi donné vie au petit Gaulois. Il est installé depuis treize ans à Narbonne.

Il en avait marre du ciel gris. Peur, même, qu’il finisse par lui tomber sur la tête. Alors un jour, Fabrice Tarrin a pris ses gouaches sous le bras, a quitté le Paris qui l’a vu naître en 1971 et a filé plein Sud. Le dessinateur, connu pour son travail sur Spirou et Astérix ou son personnage de Violine, troquait la grisaille parisienne pour le soleil de Montpellier puis de Narbonne. Vingt ans plus tard, il ne le regrette pas une seconde. Ce jeudi 23 octobre est sorti Astérix en Lusitanie, scénarisé par l’Héraultais Fabcaro. L’occasion de rencontrer ce Narbonnais d’adoption au célèbre coup de crayon.

« Une certaine saturation de l’environnement parisien »

À Paris, l’air commençait à se faire rare. “Je ressentais une certaine saturation de l’environnement”, confie-t-il. Traduction : trop de monde, trop de bruit, pas assez de lumière. Alors direction Montpellier, conseillé par des amis. “On a débarqué place de la Comédie avec ma copine de l’époque… coup de foudre immédiat ! Je ne suis pas resté avec elle, mais le Sud, lui, je ne l’ai plus quitté.”

Quelques années plus tard, nouveau chapitre. Sa compagne, future maman de ses enfants, décroche un poste d’enseignante à Narbonne. “On a visité, on a aimé. Les gens sont cools, ils prennent le temps, ils ne marchent pas vite la tête dans le guidon comme à Paris.” Le ton est donné : Narbonne sera leur nouveau terrain de jeu.

Comme un symbole, Fabrice Tarrin nous partage ces pages de vie en plein coeur de la cité romaine. Sur une terrasse de la place de l’Hôtel-de-ville où il nous a rejoint à vélo. Il décale sa chaise pour profiter d’un doux soleil d’octobre et, de ses yeux profondément clairs accompagnant une voix limpide, presque fluette, il se livre. Sans filtre.

Avec les mêmes aisance et recul qui l’avaient accompagné pour son autobiographie illustrée (« Journal intime d’un Lémurien », 2012), le dessinateur parle facilement de son enfance, de ses expériences paranormales, assez personnelles, de sa grand-mère et du Sud qui, désormais, lui va si bien au dessin. Il y a terminé ses premières aventures de Spirou « à Montpellier, en 2008. Ensuite, j’ai enchaîné sur un temps où j’avais besoin d’arrêter la BD pour m’occuper de mes enfants. Je voulais leur consacrer un maximum de temps pour ne pas avoir de regrets. J’avais ce luxe-là. » Pause dessin pour cause de paternité. Légitime.

Une complicité avec Lewis Trondheim

Mais chassez le groom rouge, il revient au galop. Après ce break, Spirou se rappelle à lui. « Je me suis associé à Fred Neidhardt. Il m’a écrit le scénario de « Spirou chez les Soviets » avec son lot de second degré. Il est sorti en 2020 mais m’avait demandé beaucoup de boulot. J’avais passé un temps fou là-dessus, plusieurs années », se remémore Fabrice Tarrin.

Il lève alors un peu le pied. Se rend, deux fois par semaine, chez le dessinateur Lewis Trondheim. Un atelier où il avait pris ses habitudes lors de ses années montpelliéraines : « Maintenant depuis Narbonne c’est pratique. Je prends le TER, en une heure on y est. Un jour, je lui ai expliqué que je ne voulais plus faire de Spirou. Que ça me demandait trop d’énergie. Que je préférais faire d’autres bandes dessinées plus personnelles. Pour plaisanter, je lui glisse que si je devais dessiner un Spirou, il faudrait que ce soit dans le désert où il n’y a pas de décor. Ça l’a fait rire et il m’a dit : chiche ! Je peux te faire un Spirou dans le désert ! »

« J’ai du mal à dessiner chez moi tout seul »

Ce Spirou, qui évolue dans un environnement épuré, « Le Trésor de San Inferno », mettra un peu plus d’un an et demi à être finalisé et a été fraîchement publié : début octobre 2025. Chez Lewis Trondheim, le Narbonnais trouve aussi un élan créatif, une synergie avec plusieurs dessinateurs. « C’est très motivant, parce que j’ai du mal à dessiner chez moi tout seul. C’est vrai que le côté solitaire, seul chez soi, c’est rapidement angoissant. »

Grâce à son personnage de Spirou, Fabrice Tarrin s’est forgé une solide réputation. ©A.G.

Grâce à un trait classique, Fabrice Tarrin arrive à reproduire les univers de Spirou ou d’Astérix avec une fidélité reconnue par beaucoup, Uderzo, lui-même, l’avait complimenté. « Que ce soit le style Spirou ou le style Astérix, au final, ça ne change pas grand-chose pour moi. Tout est un peu fait de la même façon, les décors, la représentation aux traits. Ce qui caractérise ce genre de dessin, c’est le dynamisme. Il faut avoir un trait très jeté au pinceau ou assez souple. C’est un petit peu le contraire de la ligne sage d’Hergé. »

Un parcours débuté à 8 ans

Côté « technique », Fabrice Tarrin travaille tout à la main : « Quand je fais Spirou, je travaille uniquement la couleur à l’ordinateur, sinon, je fais tout manuellement. Beaucoup font du numérique aujourd’hui, moi, je préfère vraiment travailler sur papier. »

Une solide attache au traditionnel pour celui qui s’est mis au dessin à 8 ou 9 ans. « À l’époque, c’était mon frère qui a 3 ans de plus que moi, qui dessinait. Moi, je pensais que j’étais nul. Et puis, un jour, en CM1, une prof a « kiffé » un de mes dessins et l’a affiché en classe. Ça m’a donné confiance. De fil en aiguille, j’ai continué et ma famille a commencé à me complimenter… Et, pour le coup, c’est mon frère qui a arrêté de dessiner. La concurrence fraternelle… C’est dommage, parce qu’il avait quelque chose. Je suis devenu, comme ça, le dessinateur de la famille. Très rapidement, je faisais des petites bandes dessinées, je n’avais que ça en tête. Mes parents étaient un peu inquiets, surtout ma mère qui disait qu’il fallait que je trouve un vrai boulot. Mais, non ! Je savais que je serais dessinateur de BD. Je n’avais pas d’autre boulot à avoir. Ce serait mon métier! »

D’André Agassi à Spirou !

Son premier dessin est publié en 1991. Étonnamment, il s’agissait d’une caricature d’André Agassi dans une revue spécialisée, « trois ou quatre ans plus tard, je me suis retrouvé dans un hôpital où il y avait un espace pour les enfants avec quelques dessins affichés. Et là, je vois mon dessin qui avait été recopié par un enfant. Le premier dessin que j’avais publié. Trois ans plus tard, il avait été recopié par un enfant et avait été affiché sur le mur. Je l’ai quand même pris comme un petit signe du destin parce que ça ne m’est plus jamais arrivé ensuite ! »

Aujourd’hui, Fabrice Tarrin continue de tracer sa route, le pinceau bien ancré dans le Sud. Il travaille en ce moment sur la couverture du prochain Spirou. À la gouache, bien sûr. Parce qu’on l’aura compris, ici on fait les choses avec le coeur et à la main.

Arnaud Gauthier
Photo : rencontre avec Fabrice Tarrin sur la place de l’Hôtel-de-ville de Narbonne. ©A.G.

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