Depuis 2017, la Ville fait appel à des éleveurs afin que leur troupeau vienne débroussailler les espaces verts municipaux.
Des centaines de mètres carrés débroussaillés quotidiennement. Sans bruit de moteur, sans chimie nocive. Depuis 2017, pour calmer les folles ardeurs végétales du printemps, la Ville de Carcassonne fait appel aux chèvres et moutons de la vallée. Cette année, une vingtaine de bêtes du chevrier Xavier Morvillez se sont installées au pied du pont Vieux pour une action « éco-pâturage ». Deux hectares de festin leur sont dédiés ; les chèvres et moutons les rendront rasés de près. Au-delà de sa nécessaire fonction d’entretien, l’opération permet aussi aux enfants des écoles de la ville de venir à la rencontre d’un univers pastoral qui leur est bien souvent étranger et d’en appréhender les rudiments au cours d’ateliers pédagogiques.

« Quand je vois le sourire des enfants face aux chèvres et aux brebis, je sais pourquoi je suis là ! » Xavier Morvillez est un chevrier heureux. Depuis la mi-mai et jusqu’au 20 juin, ses animaux paissent sur les berges de l’Aude à Carcassonne. Du pain bénit pour les écoles de la ville. « Nous avons mis en place un planning et l’avons transmis aux écoles. Chaque établissement peut s’inscrire pour venir sur place. Les enfants découvrent, pour certains des animaux, pour d’autres un métier. Leur visite peut aussi être le début de travaux qu’ils poursuivront ensuite de retour en classe », détaille Élodie Letao, adjointe déléguée à l’Enseignement scolaire.
Un objectif également pédagogique
Ce mardi matin, les enfants de l’école La Prade sont sur site. Xavier Morvillez répond à leurs questions spontanées. « Regarde ! La chèvre elle est en mode je mange tranquille allongée au soleil ! » L’intervention enfantine est parfaite pour Xavier. Il peut y répondre en expliquant pourquoi et comment les chèvres ruminent. Il passe de la théorie à la pratique en demandant à Panache, sa chienne, d’effectuer un rassemblement des bêtes — sous les yeux stupéfaits des enfants. L’occasion aussi de voir les animaux en mouvement et de s’enquérir de l’état de santé d’un des boucs. Il boîte bas, une blessure récente à une patte antérieure. « Eh bien, c’est la vraie vie ici ! On ne cache rien. On va voir comment on peut soigner ça ! », s’exclame l’éleveur de Preixan. « Venir au contact des enfants, c’est aussi préparer l’avenir. Pour l’instant, j’ai environ 200 bêtes que j’élève pour la viande, parce que je n’ai pas encore de fromagerie. Mais c’est en projet, et j’espère que bientôt les enfants pourront aussi goûter les fromages », prédit le chevrier.

De la Corse à Preixan
Originaire de Corse, né de parents éleveurs à Conca, Xavier avait pourtant choisi une autre voie et s’était lancé dans la restauration pendant 26 ans. « J’ai d’ailleurs travaillé dans des restaurants de la Cité. Puis, en 2019, juste avant le Covid, j’ai décidé de faire une reconversion professionnelle. Un excellent choix, puisque quand tout le monde était enfermé avec des masques, moi j’étais dehors ! » Passionné, il s’engage donc à faire connaître son métier au plus grand nombre et à transmettre son savoir. À ses côtés, Luca, du haut de ses 17 ans, apprend : « Je suis en foyer aux Pep 11. J’ai fait un stage avec Xavier et ça m’a beaucoup plu ! J’adore être dans la nature. Je vais donc commencer une alternance avec lui. »
Pour l’éleveur, cette opération éco-pâturage est aussi un petit plus financier. D’autant que ses chèvres ne débroussaillent pas seulement les berges carcassonnaises. Elles effectuent de l’éco-pâturage sur d’autres sites.. « On participe aussi à des opérations du même style à Palaja ou sur l’oliveraie de Rollens. Ça fait pas mal de boulot, parce qu’on doit être un peu partout, mais c’est le métier, et ça permet une petite diversification financière qui est bienvenue dans cette période ! »
« Une écologie raisonnée »
Du côté de la Ville, on se félicite du succès de l’opération. « On l’a lancée en 2017. À l’époque, certains en riaient, mais aujourd’hui, on voit que nous sommes copiés, se réjouit le maire Gérard Larrat. On pratique une écologie raisonnée et on associe les écoles. C’est bénéfique pour tout le monde. »
Arnaud Albarel, son adjoint à l’Environnement, partage cet enthousiasme : « L’opération s’arrêtera le 20 juin et nous aurons ainsi débroussaillé entre 1 et 2 hectares. Ce n’est qu’un début, puisque la Ville compte environ 50 hectares d’espaces verts. On a la chance d’avoir un tissu urbain très dense, avec d’un côté la Cité et de l’autre la Bastide, mais entre les deux, beaucoup d’espace végétal. Jusqu’à présent, l’opération était confiée à l’association Lena, qui s’est malheureusement éteinte. Cette année, nous avons donc fait appel directement à Xavier, à ses chèvres, ses brebis et son âne. »
Pour la petite histoire, Vagabond, l’âne, rencontre un joli succès auprès des enfants. On aime venir caresser l’animal aux grandes oreilles… et en profiter pour livrer quelques blagues à son sujet.
Arnaud Gauthier
Photo : le troupeau a pris possession des berges de l’Aude. ©A.G.