Nos rues ont une histoire : Ernest Ferroul

access_time Publié le 05/10/2022.

Cette semaine, dans notre rubrique consacrée aux personnalités ayant laissé leur nom dans nos rues, nous allons évoquer l’histoire d’Ernest Ferroul. Les plus anciens et les plus érudits se souviendront évidemment qu’il fut maire de Narbonne et qu’il fut l’un des personnages centraux de la révolte vigneronne de 1907 dans le Midi. Si aujourd’hui de nombreuses rues, avenues et écoles portent son nom dans la région, que savons-nous réellement de cette figure historique locale.

Natif du Mas-Cabardès dans la Montagne Noire, dans notre département audois, l’histoire d’Ernest Ferroul débute donc le 13 décembre 1853. Né dans une famille de modestes drapiers, le jeune Ernest grandira orphelin de père, avant d’entreprendre des études à Montpellier. Il y fera notamment les rencontres déterminantes avec Jules Guesde et Paul Brousse, avec qui il partagera bon nombre d’idées politiques, en lien avec ses idéaux socialistes.

A son retour de l’Hérault, c’est à Narbonne que le désormais docteur Ferroul s’installera. Par son attachement à l’accès aux soins pour tous, il y gagnera son surnom de « Docteur des Pauvres ». De ses relations politiques montpelliéraines, il intègrera définitivement la lutte politique en rejoignant le Parti ouvrier français.

De part sa stature et ses qualités, il parviendra à se faire élire député de Narbonne aux élections partielles de 1888. Il est alors âgé de 35 ans. A la Chambre des Députés, ils ne sont que sept membres socialistes à représenter l’extrême gauche. Trois ans plus tard, il remportera les élections municipales de 1891, devenant de fait maire de Narbonne.

La crise vigneronne du Midi

Dans une région fortement dépendante économiquement de ses productions agricoles et surtout viticoles, le Dr. Ferroul connaît les tumultes d’une époque particulièrement agitée. En Algérie, alors possession française, la production de vin ne cesse de s’accroître suite à la crise de phylloxéra ayant ravagé bons nombres de vignobles de métropole, entraînant de grands déséquilibres entre offre et demande.

Afin de répondre à une demande toujours plus grande, l’Etat favorise alors les importations et l’afflux massif de vins algériens, afin de servir de « coupage » pour la médiocre production métropolitaine. Une pratique justifiée par une demande à laquelle il faut répondre toujours plus rapidement, entraînant alors une surproduction brutale, inondant le marché de vins bas de gamme à prix cassé.

Une véritable crise va alors se constituer sur le long terme, engendrant un marasme économique dans la région suite à la chute des cours, avec des viticulteurs produisant à perte. Pour se faire un ordre d’idées, en l’espace de quatre ans, la production de vins algériens est passée de 5 000 000 d’hectolitres en 1900 à 8 000 000 en 1904. Une production qui va encore s’intensifier les années suivantes, jusqu’à aboutir à un point de rupture.

1907, année charnière

1907 : vignerons et manifestants, menés par les syndicats, organisent les premiers grands rassemblements. Le 5 mai, ils sont près de 100 000 à se mobiliser à Narbonne où Ernest Ferroul, en tant que maire, se positionne clairement en faveur des viticulteurs du Midi et de leurs revendications.

Une semaine plus tard, le 12 mai, le rassemblement de Béziers voit 150 000 manifestants envahir les allées Paul-Riquet et le Champ-de-Mars. A la foule d’agriculteurs et vignerons, se greffent de nombreux commerçants et employés locaux, eux aussi impactés par la situation économique globale.

Les slogans fleurissent de toutes parts : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant », « La victoire ou la mort », « Mort aux fraudeurs »… Une radicalisation du discours et une foule toujours plus nombreuse qui font craindre le pire aux autorités. Le discours de Marcelin Albert, du comité d’Argeliers, est un véritable ultimatum adressé directement au gouvernement.

La 16 mai constitue un tournant dans cette lutte. Alors que le conseil municipal de Béziers démissionne, le poste de police et la façade de la mairie sont incendiés. Georges Clemenceau, alors ministre de l’Intérieur et président du Conseil (équivalent de Premier ministre de nos jours, ndlr) ne souhaite pas laisser passer de tels actes.

Ainsi, la première réponse est d’ordre politique. Un texte de loi proposé par Joseph Cailleux, ministre des Finances, est déposé. Il prévoit notamment un meilleur contrôle de la production afin de lutter contre la fraude. En parallèle, la foule de manifestants ne cesse de croître. Le 26 mai, ils sont plus de 200 000 à Carcassonne, et rien n’indique de faiblissement de la mobilisation, bien au contraire…

Près de 700 000 personnes rassemblées à Montpellier

Alors que la date limite de l’ultimatum adressé au gouvernement avait été fixée au 10 juin, le 9 juin marque l’apogée de la lutte. Ils sont environ 700 000 à Montpellier, ce qui constitue la plus grande manifestation sociale sous la IIIe République. Ernest Ferroul tient alors un discours prônant la désobéissance civile et la démission de ses collègues politiques en Languedoc-Roussillon.

Le lendemain, il démissionne donc en annonçant : « Citoyens, citoyennes je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! La grève municipale commence ». Dans la semaine, ils sont 442 maires à emboîter le pas. Alors que les heurts entre manifestants et forces de l’ordre s’amplifient. Clemenceau, qui espérait un essouflement du mouvement, décide donc le recours à la force pour un retour à l’ordre républicain.

Le 17 juin, 22 régiments d’infanterie et 12 régiments de cavalerie occupent tout le Midi. La gendarmerie reçoit alors l’ordre d’incarcérer les responsables des manifestations. Ferroul est donc arrêté le 19 juin et emprisonné à Montpellier. Des manifestations ont lieu à Narbonne pour entraver les arrestations, des barricades sont levées. Dans la confusion, des coups de feu sont tirés par la cavalerie, deux personnes sont tuées dont un adolescent de 14 ans…

Le 20 juin, les tensions s’exacerbent toujours plus alors que le Midi s’embrase. À Perpignan, la préfecture est pillée et incendiée. À Montpellier, la foule se heurte aux forces armées. À Narbonne, l’inspecteur de police Grossot, l’un des auteurs de l’arrestation de Ferroul, est pris à partie par la foule.

Pour le dégager, ordre est donné à la troupe de tirer sur les manifestants. Les coups de feu font cinq morts dont une jeune fille, âgée de 20 ans, Julie (dite Cécile) Bourrel qui se trouvait là par hasard, venue à Narbonne en ce jour de marché. 33 blessés gisent alors à terre.

Une loi anti-fraude le 29 juin

Devant une situation qui ne s’est que trop envenimée, le parlement se réunit donc le 29 juin et, notamment grâce à l’intervention de Jaurès appelant à prendre les récents événements au sérieux, promulgue une loi protégeant le vin naturel contre les vins trafiqués et interdit la fabrication et la vente de vins falsifiés ou fabriqués. Le 15 juillet voit une nouvelle loi réglementer la circulation des vins et des alcools.

Le 2 août, les dirigeants emprisonnés avaient été libérés en signe d’apaisement. Grand artisan de la lutte et personnage emblématique, Ernest Ferroul est élu président de la Confédération générale des vignerons du Midi, successeure du Comité de Défense viticole.

Une personnalité politique majeure de ce début de XXe, notamment dans le sud de la France, où son engagement et sa volonté ont grandement contribué à une meilleure considération des « gens du Midi ». Ernest Ferroul s’éteindra finalement le 29 décembre 1921 à l’âge de 68 ans. Il sera également jusqu’à son décès l’un des grands inspirateurs de la SFIO audoise.

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