Pour le maire de Ribaute, « c’est un incendie volontaire. C’est certain ! »

access_time Publié le 12/08/2025.

Alain Coste n’en démord pas. Le maire de Ribaute, commune d’où est parti l’incendie du siècle dans l’Aude, est convaincu de son origine criminelle alors que l’enquête est toujours en cours. Il revient également sur le sauvetage héroïque par les pompiers d’une habitante du village.

L’incendie est parti de votre commune, vous avez été l’un des premiers avertis, comment cela s’est passé ?
C’est une villageoise qui habite la dernière maison du village qui a vu la fumée et m’a immédiatement téléphoné. Il était 15h58. Je suis arrivé sur place à 16h02. Les pompiers avaient déjà été prévenus par la patrouille de l’ONF. Je me suis rendu sur place pour les attendre à l’entrée du village.

Vous êtes donc arrivé quelques minutes après le départ du feu et vous comprenez immédiatement que ça va être compliqué ?
Je pense que dans l’esprit des gens qui connaissent la région, on sait tous que cela allait arriver. Tout le monde a dit, à un moment ou à un autre, depuis des mois, voire des années, que si une allumette était craquée le feu partirait immédiatement et ne s’arrêterait qu’à la mer. On l’a tous dit, un jour ou l’autre. Et là, les conditions étaient toutes réunies puisqu’on avait un vent de 70 km/h, le sol et la végétation étaient très sec, c’était de la paille, c’était de l’essence… Donc oui, on réalise très vite. On réalise mais on n’imagine pas que ça puisse aller aussi vite.

Comment réagit-on dans ces moments-là ?
On n’est pas préparé à ce genre de choses. Donc on pare au plus pressé, en essayant surtout de n’oublier personne, au moins physiquement, et d’orienter au mieux les secours. Parce que les pompiers qui arrivent ne connaissent pas forcément le terrain, ne connaissent pas forcément les priorités, les meilleurs accès. On court un peu de partout, on est un peu en apnée… pendant deux jours.

Votre rôle de maire a été de conseiller, d’orienter les pompiers ?
On essaie d’orienter les secours… dans la mesure où ils écoutent. Parce qu’à ce niveau-là, ils ont une organisation de travail qui est très militaire donc on n’est pas forcément écouté sur le terrain. Mais malgré ce, via le PC à la préfecture, on est arrivé à avoir une écoute.

« On se sent un petit peu mis à l’écart alors que personne ne connaît mieux que nous le terrain »

Alain Coste

Sur le terrain, ce n’était pas forcément le cas ?
Ça fait un peu drôle. On se sent un petit peu mis à l’écart alors que personne ne connaît mieux que nous le terrain. On connaît franchement les priorités, les facilités d’accès… Quand on perd une demi-heure à trois quarts d’heure à balbutier sans vouloir trop écouter le maire du village qui connaît son secteur, c’est plus que rageant. Une demi-heure avec un feu qui se développe entre 5 et 7 km/heure, on voit ce que ça peut donner.

Est-ce qu’on se sent débordé par les flammes, par toute l’agitation ?
Non. Le seul moment où j’ai paniqué, c’est lorsque j’ai appris qu’il y avait une personne qui était au milieu du brasier chez elle. Là, sincèrement, j’ai eu très peur. C’est une habitante du village qui était chez elle toute seule. Elle n’a pas son permis de conduire et la piste d’accès est à peu près de 1,5 km. Son mari est arrivé, tout affolé, parce qu’elle était coincée. On avait les pompiers au téléphone qui disaient qu’ils essayaient de la localiser, d’envoyer quelqu’un. Et son mari essayait de l’appeler, il n’arrivait pas à la joindre. Vous imaginez le sentiment d’affolement. Et c’est là que les pompiers ont été extraordinaires. Ils n’ont pas hésité. Ils sont passés à travers les flammes. Ils l’ont récupérée. Et en plus, ils lui ont sauvé la partie habitation. Tout a brûlé autour mais ils sont arrivés à lui sauver l’habitation. C’était exceptionnel.

Vous qui connaissez bien le secteur, avez-vous une idée de l’origine de cet incendie ? Comment ça a pu partir de votre commune ?
C’est un incendie volontaire.

Vous en avez la certitude ?
C’est vraiment clair. Avec les gendarmes de Lagrasse, on a d’abord analysé ça à chaud. J’avais vu le feu partir de la route, une route très passagère à la sortie d’un virage et on voyait mal quelqu’un s’arrêter ici, sortir de la voiture, aller mettre le feu, au risque d’être surpris… Donc on a pensé que c’était un mégot, dans un premier temps.

Mais cette version ne tenait plus après l’analyse des pompiers spécialisés qui nous ont dit que le feu n’était pas parti de la route mais 10m au-dessus ! Impossible qu’un mégot ait pu atterrir si haut ! Et à l’endroit du départ du feu, il y avait un petit chemin, créé par des sangliers visiblement, qui amenait à un tunnel. De là, on est protégé de la vue. Le gars a pu allumer son feu et se barrer (sic) sans que personne ne le voit.

« Tous les habitants ont été interrogés »

Alain Coste

Vous avez été sollicité voire interrogé par les enquêteurs ?
Interrogé ? Oui ! Comme tous les habitants du village. Tout le monde a été interrogé, que ce soit sur Ribaute ou Lagrasse. Deux fourgons de gardes-mobiles sont venus, ils sont passés dans toutes les maisons, sans exception. J’ai été tenu au courant au départ par le chef de corps de Lagrasse, qui était présent sur l’enquête pour les premières constatations.

Pour l’avenir, quels sont les besoins dans une commune qui a été touchée comme ça ?
La question maintenant c’est pour le milieu viticole. Ils sont très impactés. Il faut absolument que l’État prenne ses responsabilités et revienne un peu sur sa politique agricole et surtout viticole. Il y a des engagements qui ont déjà été pris par le Premier ministre mercredi dernier quand il est venu sur place. On attend maintenant que ce soit suivi d’effets. Il faut surtout que l’Europe vienne, parce que sans l’Europe, on n’y arrivera pas. Ce qu’il faut, c’est que l’eau puisse venir plus facilement dans la viticulture, que les vignes puissent continuer à exister sur ce territoire. Les vignes sont un coupe-feu naturel. Les images satellite parlent d’elles-mêmes.

Par contre, les vignes sont dans un tel stress hydrique que, même elles, elles ont brûlé. Elles ont ralenti la progression du feu mais elles ont malgré tout brûlé. C’est pour dire le manque d’eau aujourd’hui. On a des viticulteurs qui n’arrivent plus à vivre sur ce coin parce que les rendements sont catastrophiques par manque d’eau.

Il faut entretenir, il faut conserver une agriculture ici. Malgré les anciens dires de certains politiques, seule la vigne peut vraiment exister ici. Et pour exister, il faut de l’eau. Bayrou l’a évoqué spontanément. Il n’a même pas attendu qu’on la lui demande. C’est lui qui a dit que sans eau, il n’y a pas de vie. Il faut absolument qu’on reprenne l’Aqua Domitia pour amener l’eau jusqu’ici et qu’elle soit redistribuée et qu’on maintienne un tissu agricole.

Si ces projets d’apport d’eau avaient été faits plus tôt, cet incendie n’aurait pas eu une telle ampleur ?
C’est certain.

Propos recueillis par Arnaud Gauthier
Photo : Alain Coste devant sa mairie. ©A.G.

NDLR : le préfet de l’Aude nous a confirmé que le parquet de Carcassonne n’est plus saisi de l’enquête au profit du pôle régional environnement au sein du parquet de Montpellier.

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