Les 150 ans de la mort de Napoléon III : restaurateur de la Cité de Carcassonne

access_time Publié le 12/01/2023.

L’Histoire est parfois ingrate. Napoléon « le petit », qualifié ainsi par Victor Hugo, n’a pas bénéficié des mêmes succès que son oncle Napoléon Ier. Pâtissant de la comparaison, les 150 ans de sa mort n’auront trouvé que peu d’échos médiatiques. Pourtant, c’est lui qui aura décidé et approuvé le projet de restauration par Viollet-le-Duc de la Cité de Carcassonne.

La célèbre Cité de Carcassonne est un phare culturel, touristique et économique immanquable et indispensable à notre département. Chaque année, ce sont près de 2 millions de visiteurs qui arpentent les rues de la Cité, au sein d’un écrin exceptionnel qui donne l’illusion d’un véritable voyage dans le temps.

Que serait l’Aude sans sa Cité ? Difficile à dire. Ce dont on est sûr en revanche, c’est que ce monument, l’un des plus visités de France aujourd’hui, doit beaucoup à Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République française, prince-président, puis Empereur des Français sous le Second Empire.

Dans l’anonymat quasi-général, le 9 janvier 2023 constituait la date du 150e anniversaire de la mort du dernier empereur français. Le 9 janvier 1873, à l’âge de 64 ans, Louis-Napoléon Bonaparte s’éteignait dans sa résidence de Chislehurt, alors exilé en Angleterre. Mal aimé et méconnu, il aura laissé une trace dans l’Histoire de France en demi-teinte, due en grande partie aux échecs de sa politique extérieure.

De prince français à exilé politique

Né à Paris le 20 avril 1808, son père Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier, est roi de Hollande. Sa mère Marie-Josèphe Tascher de La Pagerie est plus connue sous le nom de Joséphine, impératrice et épouse de l’Empereur Napoléon. A sa naissance, il reçoit les honneurs militaires par des salves d’artillerie tirées dans tout l’Empire. Son parrain n’est autre que l’Empereur lui-même alors que sa marraine est la nouvelle impératrice Marie-Louise.

Mais une famille idéale qui tombera bientôt en disgrâce, suite à la défaite finale de leur illustre aïeul. Tous les Bonaparte se retrouvent ainsi bannis suite à la restauration monarchiste et contraints de céder leurs biens. Pour Louis-Napoléon et sa mère Hortense, leur vie oscillera désormais entre le château d’Arenenberg en Suisse alémanique, où cette dernière achètera un château dominant le lac Constance, et Rome où ils s’installeront à plein temps à partir de 1823.

Ainsi, le jeune Louis-Napoléon grandira dans le culte de son oncle et dans la certitude d’une glorieuse destinée pour les Bonaparte. La mort de l’héritier de Napoléon Bonaparte à 21 ans, plus connu sous le nom du duc de Reichstadt, Napoléon II ou encore le Roi de Rome, propulse alors Louis-Napoléon, 24 ans, comme le plus crédible des héritiers à la couronne impériale.

Conspirationniste râté puis évadé à succès

Alors que le monarchie de Juillet reste très critiquée, Louis-Napoléon revient en France à Strasbourg en 1936, où il tente de soulever la ville contre l’autorité royale avec ses partisans. L’échec est total, il est alors de nouveau condamné à l’exil, et il embarque donc pour les Etats-Unis. Mais le jeune Bonaparte a de la suite dans les idées.

Revenu ensuite à Londres, le prince planifie une nouvelle tentative de coup d’Etat. En 1840, le rapatriement des cendres de l’Empereur suscite une ferveur nouvelle autour du bonapartisme et des sympathisants de l’Empire. Débarquant de nuit à proximité de Boulogne-sur-Mer, Louis-Napoléon tente une nouvelle fois de forcer son destin. Mais là encore, l’opération tourne court.

Alors qu’il est lui-même touché par balle, plusieurs de ses partisans sont tués ou touchés quand la Garde nationale ouvre le feu. Le procès est sans appel, le prince héritier est condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Il restera six ans enfermé avant de parvenir à s’échapper de la forteresse de Ham, dans la Somme, en 1846. Il parvient finalement à regagner Londres où encore une fois, le perturbateur conserve toute sa détermination à s’imposer.

Révolution de février et élections présidentielles

La révolution française de 1848 lui fournit l’opportunité de revenir finalement dans sa patrie. Fort de la ferveur bonapartiste toujours présente, il est élu à la nouvelle Assemblée nationale constituante. Le 4 novembre de la même année, il est candidat à l’élection présidentielle, la première au suffrage universel masculin en France.

Grâce à ses relations, le réseau du candidat bonapartiste se met en place. De nombreux contacts lui permettent d’échanger avec des hommes politiques et penseurs de tous bords, de Proudhon l’anarchiste, à Adolphe Thiers, en passant par un homme qui deviendra plus tard un ennemi farouche, un certain… Victor Hugo !

L’élection a lieu, c’est un véritable plébiscite. La nostalgie napoléonienne, en ces temps d’incertitude politique, s’empare de nombreux votants. Louis-Napoléon Bonaparte est élu pour quatre ans premier président de la République française avec 5 572 834 voix, soit 74,2% des suffrages exprimés ! Le désormais prince-président a alors 40 ans.

Un président contrarié puis un empereur affirmé

Les pouvoirs présidentiels sont limités, soumis à l’Assemblée nationale pour éviter toute dérive non républicaine. Les relations sont tendues, le climat politique toujours incertain. La formation d’un gouvernement est difficile, les tensions conduisent à la dissolution de l’Assemblée nationale devant cette situation inédite.

Mais les problèmes perdureront entre pouvoir législatif et exécutif. En opposition constante, président et députés se paralysent mutuellement. Les réformes constitutionnelles tardent à arriver pour faciliter la gouvernance du pays. Progressivement, l’idée d’une sortie de crise par la force germe au sein de la société française.

Le point de non-retour est atteint dans la nuit du 1er au 2 décembre. Les troupes du général Saint-Arnaud, fidèle de Louis-Napoléon Bonaparte, prennent possession de la capitale. Les députés destitués, l’émotion n’est alors pas très vive dans la capitale. Seuls 1500 émeutiers seront comptabilisés et rapidement abattus ou maîtrisés.

Le nouveau régime se met progressivement en place, une forme autoritaire tout en cherchant l’approbation des masses. Un an plus tard, en 1852, un referendum demande l’approbation des Français pour un rétablissement de l’Empire. Il est validé par 7 824 129 voix favorables. La date est symbolique, le 2 décembre, la même date qui avait vu Napoléon Ier être sacré empereur et l’emporter lors de la célèbre bataille d’Austerlitz.

Empereur autoritaire puis libéral

Dans une société qui évolue et s’industrialise, le nouvel Empereur favorise le développement des nouvelles technologies. Machines à vapeur, chemins de fer, voitures, l’économie se libéralise progressivement, les investissements publics et privés augmentent, la croissance économique est au rendez-vous.

De grands travaux de rénovation vont aussi voir le jour comme le boulevard Haussmann à Paris ou encore la rénovation de la Cité de Carcassonne, confiée à Viollet-le-Duc dès 1862. L’Ancien Régime a laissé sa place à l’ère moderne.

De nombreuses évolutions sociétales comme l’apparition de la classe ouvrière et du prolétariat conduisent à l’apparition des premières mesures sociales en faveur des plus démunis, le droit de grève est accordé bien que les syndicats soient toujours interdits.

D’un point de vue culturel, la France retrouve le devant de la scène, avec les expositions universelles de 1855 et 1867, ainsi que la création de l’Opéra Garnier.

Les artistes s’épanouissent tels qu’Eugène Delacroix, Gustave Flaubert, Prosper Mérimée mais aussi des personnalités du monde scientifique comme Louis Pasteur. La période sera également propice au développement de nouvelles sciences et techniques.

La politique étrangère, un échec impérial et une fin peu glorieuse

Un contexte international qui lui aussi évolue, avec la remise en question de l’équilibre des accords de Vienne de 1815. Les Italiens notamment, avec le soutien actif français, repoussent les Autrichiens et se rapprochent de leur unité politique et territoriale. Mais les ambitions bonapartistes finiront par se retourner contre l’Empereur.

En 1860, l’expédition du Mexique visant à installer un Habsbourg sur le trône tourne au désastre. L’image de la France est affaiblie. En parallèle, la Prusse guidée par Bismarck cherche à unir les peuples allemands sous une même banière. L’accroissement des tensions franco-germaniques aboutit à une guerre ouverte, qui stimule le nationalisme allemand, les différents états germaniques se rengeant alors sous l’autorité de Bismarck.

Affaibli, Napoléon III a besoin d’un succès pour redorer le prestige de la France. Mais face à la puissance et à la modernité de l’armée prussienne, l’armée française est ridiculisée. Quinze jours après le début du conflit, l’Empereur lui-même est capturé et retenu prisonnier le 3 septembre 1870. Le lendemain, la nouvelle est arrivée à Paris, et face à une telle débâcle, le régime impérial ne survit pas et la république est restaurée à son tour.

Reconnu par l’Assemblé nationale comme « responsable de la ruine, de l’invasion et du démembrement de la France », Louis-Napoléon Bonaparte, humilié, rejoint ses proches en Angleterre. Atteint d’un calcul à la vessie, l’ancien président et empereur s’éteindra finalement des suites d’une troisième opération chirurgicale, trois ans plus tard, le 9 janvier 1873.

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