Durant l’été, L’Écho du Languedoc vous amène découvrir le patrimoine audois à travers un témoin. Aujourd’hui Philippe Ramon nous raconte le catharisme, mouvement religieux chrétien médiéval particulièrement répandu dans le Midi de la France. Il est le président de l’association d’étude du catharisme.
Pouvez-vous nous partager l’histoire de l’association et de sa création ?
L’association d’étude du catharisme (AEC) a été créée en 2011 à Carcassonne après la liquidation du centre d’étude du catharisme en 2010. Ce centre d’études était financé par le Département, néanmoins, en 2010, le conseil départemental a augmenté ses dépenses dans le domaine social. Cela a mené à une restriction des dépenses culturelles et donc à la fermeture du centre par manque de moyens.
L’objectif de l’AEC est de recueillir, de diffuser, de partager et de vulgariser les connaissances scientifiques sur le catharisme et les ruptures médiévales dans leurs contextes. Nous cherchons avant tout à concourir à la valorisation des patrimoines et des territoires.
Comment définiriez-vous le catharisme ?
Le catharisme est un mouvement religieux apparu au milieu du XIe siècle dans de nombreux pays de l’Europe du Nord. Cette apparition est la conséquence d’une réforme grégorienne qui visait à centraliser et uniformiser l’église catholique. Les cathares cherchent plus de pureté dans la religion chrétienne. Ils ont une vision dualiste de la religion, c’est-à-dire qu’ils avancent l’idée d’un dieu du bien et d’un dieu du mal. Ils affirment que suite à des réincarnations successives, notre âme ne finira par faire que le bien. Cette pensée vaut beaucoup de critiques aux cathares car ils donnent une explication au mal.
Est-ce que vous diriez qu’il s’agit d’un mouvement important ?
Le catharisme représente un mouvement assez important pour déclencher une croisade. La croisade n’a lieu qu’ici, en effet dans le reste de la France une entente entre la religion et le pouvoir était en place, ce qui n’était pas le cas dans la région. Cette mésentente a laissé place à la création de dissidences. Dans le reste de la France, ce type de mouvement était puni et jugé.
« Jugée et condamnée au bûcher pour une grande majorité »
Philippe Ramon
Comment ce mouvement était-il perçu par le reste de la société ?
Les bourgeois sont plutôt d’accord avec les cathares. En effet, le mouvement met en avant la séquestration du pouvoir et du savoir, quelque chose qui est mal accepté par la haute société. Les cathares étaient relativement bien vu par la société, il n’étaient pas violents et ils travaillaient.
De son côté, la petite noblesse s’accorde également sur certains points avec les cathares. En effet, la politique actuelle ne les convainc pas du point de vue économique. Ils estiment que l’église catholique n’est pas exemplaire et qu’elle impose un déclassement de leur valeur. C’est pour ces raisons qu’ils ont tendance à soutenir les cathares.
Enfin, les paysans ont une vision du monde qui diffère avec le reste de la société. Ils voient principalement ce qui ne va pas dans le monde : les morts prématurées, les famines ou encore la pauvreté. Ils ont peu de perspectives et se retrouvent en accord avec une vision dualiste de la religion.
Qu’est-ce qui a été mis en place pour mettre fin au mouvement ?
L’inquisition s’installe en 1230 avec une forte répression. Les tribunaux sont saisis pour juger les cathares. Tous les habitants d’un village sont appelés pour prêter serment et attester de leur bonne pratique de la religion. Toute personne affirmant pratiquer la religion autrement que ce qui est de norme est jugée et condamnée, au bûcher pour une grande majorité.
Que représente ce mouvement dans la région ?
Le mouvement cathares est, encore aujourd’hui, très représenté dans la région. Il s’affirme comme une fierté historique locale. De nombreux châteaux cathares animent la région et son tourisme, ils représentent les lieux dans lesquels les cathares ont pu se cacher durant l’inquisition, accueillis par les seigneurs locaux. Néanmoins, après la répression, Toulouse fut rattaché au royaume de France et les châteaux lourdement modifiés pour s’adapter au style royal fortement développé. Ce mouvement n’a existé qu’ici, c’est principalement en cela qu’il est devenu une fierté locale et un moment important.
Propos recueillis par Émilie Sogorb
Photo : Philippe Renom, président de l’association d’étude du catharisme. ©D.R.