Languedoc-Roussillon : un géant de la vigne sous pression 

access_time Publié le 14/09/2024.

En 2024, la viticulture française est dans le rouge. La production est attendue en baisse de 18% par rapport à 2023, avec seulement 40 à 43 millions d’hectolitres de vin prévus, selon le ministère de l’Agriculture. 

Ce plongeon est le fruit d’une combinaison de facteurs climatiques et biologiques. Les gelées tardives ont mordu les bourgeons, la grêle a lacéré les feuilles, et la sécheresse a laissé la terre craquelée. Comme si cela ne suffisait pas, un champignon destructeur rôde dans les vignes et fait des ravages.

Occitanie : vigne à la peine

L’Occitanie, qui représente 24 % du vignoble français avec ses 186 000 hectares, est particulièrement touchée. En 2023, la production de la région a chuté de 15 %, et les prévisions pour 2024 sont préoccupantes. Les vendanges sont retardées, et les grappes sont clairsemées. La sécheresse et les maladies ont lourdement affecté les récoltes.

Prenons l’Aude, bastion des vins IGP, et l’Hérault, étoile montante du bio, en première ligne de cette crise. En 2023, la production a diminué de 16 % dans ces départements. Pour 2024, la menace d’une récolte encore plus maigre est omniprésente. En effet, dans son dernier rapport (août 2024), le ministère de l’Agriculture note que la production viticole française pour 2024 pourrait baisser de 18% par rapport à 2023 et de 3 à 10 % par rapport à la moyenne 2019-2023. À l’origine de cette coupe : les conditions climatiques extrêmes, telles que les épisodes de gel, de grêle et les maladies comme le mildiou, qui continuent d’affecter sévèrement les vendanges.

L’Hérault : titan aux pieds d’argile

Premier département viticole d’Occitanie, l’Hérault souffre comme les autres. Lui, qui, avec ses 78 892 hectares de vignes, s’est pourtant forgé une réputation de “titan de la production”, installé sur toutes les marches des podiums vignerons : 1ᵉʳ producteur de rosés (31 % de sa production) de France, 2ᵉ pour les blancs et 3ᵉ pour les rouges. Grêle, sécheresse, marché instable : les mêmes effets sont venus se greffer aux vignes héraultaises, laissant derrière eux de profondes cicatrices.

Preuve que le vin reste roi, même si le trône vacille : la valeur économique de la viticulture dans le département reste élevée, atteignant 589 millions d’euros en 2022, soit 66 % de la valeur agricole totale du département, selon l’Agreste (service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation), le Ministère et l’Agence Bio identifient plusieurs signes de ralentissement en plus de la baisse de production estimée.

Freinage dégressif

L’un des indicateurs de la mauvaise santé du secteur est la viticulture biologique, qui connaît récemment un ralentissement après une période d’expansion rapide depuis 2017, selon l’Agence Bio. Bien que la conversion en bio soit toujours perçue comme un facteur d’attractivité et une direction stratégique importante pour les vignobles de petite taille, cette tendance à la hausse a perdu de son dynamisme. L’importance de cette évolution est notable dans un département comme l’Hérault, qui comptait l’an dernier 15 858 hectares de vignes biologiques (19 % de sa surface viticole totale) et 967 exploitations spécialisées. Ce chiffre est légèrement en deçà du recensement régional qui place l’Occitanie comme la première région viticole bio de France, avec 23 % de ses surfaces viticoles en bio, représentant 34 % des surfaces bio nationales. 

D’autres red flags incluent la chute du nombre de caves coopératives dans l’Hérault, qui a diminué de moitié, ainsi que le faible montant des bénéfices des exploitants : 73 % avaient un chiffre d’affaires annuel de moins de 100 000 euros, selon la dernière étude du Ministère de l’Agriculture.  

En route vers l’hyperspécialisation ?

Ici, nous ne parlons pas de couleurs, mais de valeurs. Les arguments de vente axés sur des typicités consolidées, comme le bio, la certification “Haute Valeur Environnementale” (HVE) ou les “vins nature”, ont envahi les exploitations, les caves, les tables… Dans ce secteur hautement compétitif, freiné par des vents contraires, certaines innovations parviennent à s’enraciner. C’est le cas du vin sans alcool.

Il y a encore quelques années, le vin sans alcool était considéré comme un “sous-produit”, souvent destiné à écouler les excédents, et il occupait des étagères discrètes. Mais aujourd’hui, le constat est implacable : entre 1960 et 2022, la consommation individuelle moyenne de vin en France a chuté de près de 70 %, et cette tendance se poursuit. Les consommateurs réguliers de vin ne représentent plus que 11 % de la population, soit 5 points de moins qu’en 2015. On ne s’étonne donc pas de voir les vins sans alcool ou très peu alcoolisés connaître une progression de plus de 7 % depuis 2022. Ce vin nouveau est dans le même temps devenu une vedette des salons vignerons et des événements “no low” (contraction entre No Alcohol et Low Alcohol), tels que le Soft Festival organisé à Lattes en juin 2024. 

La production de vins sans alcool reste cependant plus chère en raison du processus industriel complexe et des conditions sanitaires plus strictes pour la mise en bouteille ne permettant pas à tous les exploitants de réaliser ce report. Malgré tout, ils restent un débouché stratégique pour les viticulteurs confrontés à une baisse de leurs ventes. 

Solutions partielles, choix stratégiques : les esprits s’échauffent pour creuser la sortie du tunnel. Mais le marché y répondra-t-il ? Car loin d’être optimiste, le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d’Origine et à Indication Géographique (CNIV) anticipe une baisse de 22 % de la consommation de vin d’ici à 2034, ce qui représenterait une perte comprise entre 4,5 et 6,4 millions d’hectolitres…

Louise Brahiti

Photo : illustration des vendanges © Cave coopérative de Ribes.

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