Lagrasse : Canta pèira candidate à la Fondation Berne pour le Village des capitelles

access_time Publié le 06/07/2024.

Michel Daube, président de l'association Canta pèira © Cyril Durand.

L’association, qui recense et restaure les capitelles des Corbières, souhaite poursuivre la valorisation du village de Réqui, un site d’agro-pastoralisme du 18e siècle près de Lagrasse.

Pierre qui chante n’amasse pas d’argent. Le travail de l’association Canta pèira – « pierre qui chante » en occitan – menée inlassablement depuis six ans est colossal : 250 capitelles recensées dans les Corbières pour 49 restaurées (50 d’ici fin juillet), ces petites constructions emblématiques de la garrigue languedocienne.

Un travail de fourmis entièrement bénévole. Or, l’association ne serait pas contre une aide financière de la part de la Fondation Berne pour l’histoire et le patrimoine pour restaurer le village de Réqui, un ancien site d’agro-pastoralisme situé à quelques kilomètres de Lagrasse(1).

« Un site gigantesque qui s’étend sur plus de deux hectares avec des enclos séparés par des murs épais, des terrasses et, bien sûr, plusieurs capitelles« , détaille Michel Daube, président de cette association de huit adhérents (et de nombreux renforts ponctuels). Aussi passionné que passionnant, le souriant et intarissable murailler de 74 ans arpente depuis son départ à la retraite les chemins de garrigue, auscultant le moindre tas de cailloux pour y déceler les traces éventuelles d’une ancienne capitelle. Et la rebâtir. « Il faut compter deux mois pour cela, à raison d’une journée par semaine« , précise-t-il.

Un abri pour les paysans pauvres du 18e siècle

Ces cabanons étaient « des abris plutôt ronds pour les paysans construits en pierres sèches, sans bois, par nécessité, d’environ 1, 5 mètres de haut. Car à cette époque, au 18e siècle principalement, il n’y avait pas de bois. La garrigue était défrichée pour utiliser le bois pour se chauffer, pour les mines et les tanneries de l’industrie drapière » qui dominait l’économie locale d’alors. Restait la pierre calcaire pour se bâtir un abri.

L’une des capitelles restaurées du village de Réqui © Cyril Durand.

« Dans 90 % des cas, ces capitelles sont associées à un champ. Comme à l’époque les meilleures terres étaient réservées aux seigneurs puis aux bourgeois après la Révolution, il ne restait plus aux pauvres que d’aller défricher la garrigue loin du village en y retirant les cailloux. Ils s’en servaient pour se construire un abri, car ils ne rentraient pas chez eux le midi, ils partaient dans la nuit et travaillaient toute la journée », explique Michel Daube. 

Valoriser l’histoire vernaculaire

Il y en a ainsi des tas, disséminées dans les bois et les contrées. Elles racontent une histoire, celle, vernaculaire, des Audois du temps passé qui grattaient la terre pour faire pousser des céréales, du seigle, du blé, des vignes ou des oliviers pour se constituer un grenier pour l’hiver. Un patrimoine que Canta pèira s’efforce de valoriser à travers ses actions. Son président a réalisé une carte interactive sur internet localisant les 250 capitelles recensées, avec photos et fiches techniques pour chacune d’entre elles qui ont été restaurées.

« L’idée est de porter à la connaissance du grand public, des visiteurs mais aussi des scientifiques – certains sont venus de Toulouse pour étudier le village de Réqui -, ce patrimoine », indique Michel Daube qui a, par ailleurs, donné une dizaine de conférences sur le sujet.

Des jeunes du chantier d’insertion de l’Anras de Lagrasse ont prêté main fort à Réqui © DR.

Il espère ainsi, avec l’argent escompté de la Fondation Berne (200 000 €), poursuivre la restauration de ce village. Une concentration de capitelles que l’on peut dater, sans aucune certitude, de la période post-révolutionnaire si l’on se fit au cadastre napoléonien. « On n’a aucune certitude sur l’origine exacte de ces constructions. Ce que l’on sait, c’est que tout ce secteur appartenait à une veuve nommée Sarda. Cultivait-elle, ou faisait-elle cultiver à d’autres paysans, la vigne ou faisait-elle de l’élevage de moutons. On ne sait pas. »

« Faire travailler des professionnels locaux »

En tout cas, aux yeux de Canta pèira comme à ceux de ses soutiens locaux tel que le Parc naturel régional Corbières-Fenouillèdes, ce patrimoine doit être sorti de l’oubli et des ronces. « Et puis l’intérêt c’est de faire travailler des professionnel, car la pierre sèche est reconnue au Patrimoine mondiale de l’Unesco, et intéresser tous les acteurs possibles, surtout les professionnels. »

L’association a ainsi pu, grâce à l’obtention du budget participatif du Département il y a trois ans (34 000 €) restaurer huit capitelles et faire travailler une entreprise locale. Pour Réqui, elle espère pouvoir embaucher un forestier, pour déboiser partiellement le site, et quatre muraillers pour un chantier estimé à 3 ans. Réponse de la fondation à l’automne 2024. Michel Daube y croit dure comme pierre.

Cyril Durand

(1) Pour accéder au village de Rèqui, sortir de Lagrasse par la D3 en direction de Rieux-en-Val (route de Carcassonne), tourner à droite sur le premier pont sur Sou et continuer sur la route goudronnée. Au second pont sur Sou, laisser la voiture et prendre l’ancienne voie romaine sur la gauche puis monter quelques mètres pour accéder au site.

Plus d’infos sur la chaîne Youtube de Canta pèira ici.

Photo principale : Michel Daube, président de l’association Canta pèira © Cyril Durand.

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