Jérôme Villaret, Pépites du Sud : « il faut répondre aux nouvelles aspirations des touristes »

access_time Publié le 29/11/2021.

Ancien délégué général du CIVL, Jérôme Villaret en connaît un rayon en matière de viticulture. C’est ce qui l’a incité à changer de voie professionnelle et à créer son agence de voyage avec le vin en point d’orgue. Basée à Narbonne, Pépites du Sud permet de découvrir les richesses des vignobles rattachés à notre terroir. Et elles ne manquent pas.

On ne peut pas dire que vous êtes un novice dans le monde de la viticulture…

Ma famille est propriétaire d’un domaine viticole au pied des Cévennes. Nous avons pu remonter jusqu’au XVIIème siècle où déjà mes ancêtres étaient vignerons. À titre personnel, j’ai parcouru la Vallée du Rhône pendant 15 ans au service de l’interprofession du Rhône d’abord en tant que directeur du service économique, puis directeur adjoint.

Ensuite, j’ai passé 11 ans en tant que délégué général du CIVL, le Conseil Interprofessionnel des vins du Languedoc. Ces deux organismes regroupent l’ensemble des vignerons et des négociants de leur zone respective. J’ai participé au développement de la notoriété de ces deux régions.

L’idée aurait-elle germé pendant vos années au CIVL ?

Cette idée me trottait dans la tête depuis quelques années. Avec le CIVL nous avons contribué à faire émerger les Destinations œnotouristiques Vignobles et Découvertes dont celle de Narbonne : Via Domitia qui était la première. Nous en avons créé douze à travers tout le Languedoc.

Avec la dernière destination Vignobles et Découvertes Montpellier qui devrait être labellisée avant Noël, l’ensemble du vignoble du Languedoc est couvert. Ainsi, nous avons contribué à faire émerger une offre œnotouristique de qualité sur chaque terroir de la région.

J’ai aussi beaucoup voyagé sur les vignobles français, mais aussi dans le monde entier : Australie, États-Unis, Canada, Espagne, Italie, Allemagne, Suisse, Autriche et j’ai visité des destinations qui avaient beaucoup développé l’accueil des amateurs de vins.

Auriez-vous comblé un vide en quelque sorte ?

Il existe des agences réceptives spécialisées sur l’organisation de séjours œnotouristiques pour les amateurs de vins à Bordeaux, en Champagne ou en Bourgogne. Mais cette offre était absente du Languedoc alors qu’il s’agit du plus grand vignoble du monde.

J’ai donc fondé la première agence spécialisées sur les vignobles du Languedoc et la Vallée du Rhône pour combler ce manque. Avec l’arrivée de la pandémie, cela a un peu retardé mes projets, mais je reste confiant sur le fait qu’il continuera à avoir des amateurs intéressés pour partir à la découverte du vignoble pendant leurs vacances.

« Les vacanciers partent moins longtemps mais plus souvent »

Le mode de vie des vacanciers d’aujourd’hui a-t-il influé sur votre réflexion ?

La pandémie a provoqué plusieurs changements majeurs dans l’esprit des touristes :

1- Ne pouvant pas prendre l’avion pendant un an, ils ont redécouvert les charmes de la France. Souvent pour moins cher, ils peuvent visiter notre territoire différemment, comme la rencontre avec les vignerons et la découverte des terroirs.

2- Beaucoup de vacanciers hésitent à organiser leurs vacances dans les destinations de masse, évitent les foules augmentant le risque de contamination et le stress. Les visites de vignobles dans des paysages préservés, loin de la foule ont un caractère reposant et réduisent les risques liés à la pandémie.

3- Les vacanciers partent moins longtemps, mais plus souvent par rapport au passé. Ils peuvent faire une escapade le temps d’un weekend en choisissant des visites sur un terroir précis et une nuit chez un vigneron.

4- De plus en plus, les vacanciers souhaitent que leurs vacances soient une manière d’apprendre, pas seulement une période d’oisiveté. Partir à la découverte de vignerons, de terroirs est une manière de passer des vacances tout en apprenant les secrets qui font la magie du vin.

Il y avait donc une niche comme on dit…

Par chance, ces nouvelles tendances de vacances font que les séjours sur le vignoble répondent exactement aux nouvelles aspirations des touristes.

L’œnotourisme a-t-il le vent en poupe ?

La France est la première destination œnotouristique du monde. En 2018, Atout France, l’organisme de promotion du tourisme en France estimait qu’il y avait 10 millions de touristes par an qui fréquentaient les vignobles, dont environ 700 000 qui participaient à des séjours. En 10 ans, ces chiffres avaient augmenté de 40 %.

« Le vignoble du Languedoc a fait d’énormes progrès »

Peut-on dire que les vignerons ont su prendre le bon virage en montant en gamme et en s’ouvrant au grand public ?

C’était le message que nous portions au CIVL. L’avenir du vignoble du Languedoc passe par la montée en gamme et la mise en valeur des terroirs pour améliorer les marges de leur production. Beaucoup de vignerons ont fait la preuve que cette stratégie est gagnante.

Depuis quelques années, beaucoup de vignerons ont créé des offres œnotouristiques qui leur permettent de recevoir au domaine et de parler directement aux consommateurs. C’est à la fois, une forme de communication de leur domaine et une opportunité de présenter aux consommateurs leurs plus belles cuvées sans l’intermédiaire du distributeur qui se focalise souvent sur les cuvées entrée de gamme.

La viticulture languedocienne n’a rien à envier à ses consœurs ?

En dix ans, le vignoble du Languedoc a fait d’énorme progrès : c’est le premier vignoble exportateur français, le numéro un pour l’agriculture biologique et maintenant l’Occitanie est la région française ayant le plus grand nombre de destination œnotouristiques Vignobles & Découvertes.

C’est moins connu, le Languedoc est aussi, le plus grand pôle de recherche viticole au monde. À ce titre, les chercheurs de la région ont été à l’origine des principales innovations de la filière viticole mondiale des 50 dernières années.

Concernant l’œnotourisme, pendant des années, les vignerons se contentaient de recevoir au domaine les touristes de passage dans notre région, en particulier ceux qui venaient à la mer ou dans les Pyrénées.

Aujourd’hui, nous sommes passés à une démarche plus active pour attirer les touristes.

Dans votre concept d’agence, vous parlez d’expériences uniques. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Quand un touriste arrive à l’improviste chez un vigneron, au mieux il sera reçu par un vendeur qui lui présentera une dégustation des vins du domaine. Mais souvent, le vendeur est incapable de parler des vins et de faire passer l’émotion.

Quand nous organisons nos séjours, nous travaillons en amont avec les vignerons pour que les touristes qui nous font confiance soient vraiment accueillis sur le domaine par le vigneron ou quelqu’un qui peut en parler pour raconter son histoire – et en quoi il se différencie de tous les autres – pour que la visite devienne inoubliable.

Sur certains domaines, les touristes peuvent visiter les chais et le vignobles, participer aux travaux de la vigne (la taille, les vendanges, les labours, l’assemblage des vins) ou se balader au milieu des vignes en vélo électrique ou trottinette tout-terrain.

« Des expériences que nous avons envie de partager »

Votre activité a démarré à quelle époque et quels sont les premiers retours ?

L’entreprise a un an. Mais pendant toute la période des confinements, j’ai travaillé sur les aspects administratifs complexes pour obtenir l’immatriculation de l’agence sans laquelle il est impossible d’exercer. Notre activité a démarré réellement depuis la fin de l’été avec des séjours de courte durée.

Les premiers retours des clients sont enthousiastes. L’accueil des vignerons est plébiscité. Les clients sont étonnés du niveau de qualité des vins qu’ils dégustent. Certains clients se posent la question de revenir pour découvrir un autre terroir du Languedoc.

Nature, gastronomie, culture et rencontres, vous mettez en avant le terroir et ceux qui le font vivre avec passion ?

Avec mon équipe du CIVL, nous organisions régulièrement sur le vignoble des séjours de journalistes, sommeliers, importateurs.

Avec les Pépites du Sud, nous souhaitons faire la même chose avec le même niveau d’exigence professionnelle pour des amateurs de vins et leur donner l’occasion de découvrir le vignoble comme le ferait le journaliste de la Revue des Vins de France ou les meilleurs sommeliers du monde que nous accueillions régulièrement au CIVL.

Ceux qui parlent de leur terroir, de leur produit avec passion sont très intéressants à écouter. Ce sont ces expériences que nous avons envie de partager avec le grand public.

Dans votre offre, le vin est-il une exclusivité ?

Même si le vin est central, nous pouvons proposer sur certains séjours de découvrir un producteur d’huile d’olive, un caveur de truffe, la visite des monuments historiques de Narbonne, les châteaux cathares, la visite du vieux Montpellier, de Pézenas, de la Cité de Carcassonne ou l’abbaye de Lagrasse. Tous ces éléments contribuent à comprendre la culture et l’histoire de notre région.

Quel accueil ont réservé les vignerons choisis par vos soins à votre initiative ?

Il y avait déjà une relation de confiance entre nous. Nous rémunérons toutes nos visites pour compenser le temps que les vignerons passeront avec nos clients. Sur les premiers séjours, ils ont très bien joué le jeu et montré que l’hospitalité languedocienne n’est pas qu’une légende.

Beaucoup m’ont, aussi, apporté leur soutien dans les moments plus difficile que j’ai rencontrés depuis la création de l’agence. Je voudrais aussi remercie la Région Occitanie, le Grand Narbonne et le Groupe d’Actions Locales Est Audois pour leur soutien dans la réalisation du projet. Leur aide a été précieuse.

« Un hommage aux vignerons »

Le nom Pépites du Sud n’a pas été choisi par hasard comme l’explique Jérôme Villaret : « Il y a quelques années, Jeb Dennuck, le dégustateur du fameux guide américain Parker a résumé son séjour en Languedoc avec un article intitulé : « France’s unknown gems » traduit par « les pépites françaises méconnues ». Depuis, j’ai gardé en tête cette idée et c’est un hommage aux vignerons de notre région. »

D’autres attraits touristiques

Même si le vin est l’élément central, Pépites du Sud propose également de découvrir d’autres perles audoises ou régionales : un producteur d’huile d’olive, un caveur de truffe, la visite des monuments historiques de Narbonne, les châteaux cathares, la visite du vieux Montpellier, de Pézenas, de la Cité de Carcassonne ou l’abbaye de Lagrasse. « Tous ces éléments contribuent à comprendre la culture et l’histoire de notre région », affirme Jérôme Villaret.

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