Effet Mer : « Un vrai projet d’économie circulaire »

access_time Publié le 18/12/2021.

Elles sont Héraultaises et ont décidé de miser sur un projet éco-responsable en créant des lunettes issues de la… récupération des déchets plastiques. Flora Joly et Céline Lapeyre nous expliquent leur démarche appelée Effet Mer.

Quels étaient vos parcours avant de vous lancer dans cette aventure ?

Nous avons toutes deux une expérience significative de dix ans dans le domaine du social et de l’éducation populaire. Respectivement, nous avons occupé des postes à responsabilités qui exigent un travail de coordination d’équipe, de mise en place de projets et principalement du travail en réseau et en partenariat. L’une (Flora) était chargée de mission, l’autre (Céline) éducatrice.

C’est au sein de l’association laïque des Eclaireuses, Eclaireurs de France que nous nous sommes rencontrées. Cette expérience nous a permis d’affirmer notre capacité à travailler ensemble et ce autour de projets ambitieux et porteurs de sens.

Quel était le but de la start-up lancée en 2018 ?

Notre ambition prioritaire était de créer une entreprise qui associerait les trois piliers fondamentaux du développement durable : écologie, social et économie. Nous avions pour objectif de créer un marque de mode éthique et écologique qui proposerait des articles de mode éco-conçus à partir de matériaux recyclés et surtout fabriqués en France.

La société R&D Concept – comme Responsable et Durable et comme Recherche et Développement – a pour but de développer des matériaux et produits innovants à partir de matière recyclée.

« La Méditerranée, une des plus polluées »

Comment est né ce projet Effet Mer ?

Notamment à la lecture d’un article dressant le constat que la mer Méditerranée est l’une des mers la plus polluées au monde. A l’époque, il n’y avait autant d’engouement médiatique à propos de cette pollution.

Nous sommes allées à la rencontre des associations et des collectivités qui organisent des opérations de nettoyage sur le littoral et en zone naturelle. Nous nous sommes rendues compte que, la plupart du temps, les plastiques récoltés n’était pas recyclés car leur dégradation ne le permettait pas.

Devant cette aberration, nous avons souhaité nous inscrire en complémentarité de leurs actions pour proposer un véritable projet d’économie circulaire : le projet Effet Mer, des lunettes recyclées en déchets plastiques sauvages.

Nous nous sommes intéressées à la mode – l’une des industries les plus polluantes – et après avoir passé en revue plusieurs produits qui pouvaient intégrer ces plastiques sauvages nous en sommes arrivées à l’idée de créer des lunettes de soleil.

Quel soutien vous apporte le Parlement de la Mer ?

Le Parlement de la Mer a mis à notre disposition du matériel de récolte que nous utilisons (si besoin) lors des actions de ramassage organisées par nos partenaires de filière de récolte et une collaboration concernant les lunettes Effet Mer est en cours de discussion.

Le Parlement de la Mer, c’est aussi la mise en réseau qui permet de réaliser des actions concrètes en faveur de la préservation de notre littoral et de la Méditerranée.

Si vous n’aviez pas habité près d’un littoral, auriez-vous eu cette idée ?

Probablement. En revanche, nous n’aurions peut-être pas utilisé cette matière. Nous pensons que la valorisation des déchets est ciblée en fonction des besoins/problématiques d’un territoire et s’inscrit dans une réelle démarche d’économie circulaire : le nouveau modèle économique que les entreprises doivent intégrer.

En ce sens, cela permet de réduire notre impact environnemental, évite de puiser dans nos ressources ainsi que l’importation de matière première et nous créons de l’activité et de la valeur au sein du territoire Occitanie.

« C’était difficile, mais pas impossible »

Pourquoi des professionnels vous ont dit que ce serait impossible ?

D’abord pour l’aspect technique, parce que notre matière est très souillée et dégradée par le séjour en mer, sur le littoral ou en nature. Très peu d’études avaient été menées sur le recyclage de ces déchets plastiques sauvages.
Puis pour des questions économiques : Il y a aussi une question de coût et de viabilité.

Pour mettre au point ces lunettes, nous avons dû investir sur la mise en place de notre propre filière de gisement matière, faire des recherches de toxicologie, des essais en propriétés mécaniques en laboratoire, etc. Tous ces aspects ont un coût plus élevé que d’acheter directement une matière et produire une lunette.

Un coût que vous parvenez à ne pas répercuter…

En vente directement, nous arrivons à proposer notre produit au prix de 90€, ce qui reste très correct pour un produit recyclé et fabriqué en France. Au final, notre regard novice nous a permis de pousser les portes de l’innovation. Ce n’était donc pas impossible. Difficile oui, mais pas impossible. Et ce en dépit des freins techniques et financiers.

Où récupérez-vous les déchets qui vous servent à créer vos lunettes ?

Nous récupérons les déchets plastiques auprès d’associations en Occitanie (Toulouse, Montpellier et alentours) ainsi qu’auprès de certaines collectivités, dont Gruissan, toujours en Occitanie. Les lunettes sont ensuite fabriquées dans l’Ain, à proximité du Jura, bassin du savoir-faire français en lunetterie.

« Le gisement est varié »

Quel genre de plastique est majoritaire sur les plages ?

Les types de plastiques que nous retrouvons souvent sont les bidons, des bouteilles en plastiques (PET), plastiques que nous recyclons, des jeux de plage pour enfants. Le gisement est varié. Les types de plastiques sont différents et ne se recyclent pas entre eux. D’où notre atelier de tri après la récolte : une partie des bouteilles en PET sont recyclées dans nos montures de lunettes. Quant aux autres types de plastiques, nous les stockons pour développer d’autres matériaux et d’autres produits.

Comment définissez-vous une paire de lunettes éco-responsables ?

Une paire de lunettes éco-responsables, c’est une lunette qui a fait l’objet d’une éco-conception. C’est à dire pensée pour réduire son impact environnemental : du sourcing matériaux, jusqu’à la fin de vie du produit. A ce titre, nous proposerons de récupérer les lunettes en fin de vie.

D’autres projets éco-responsables ?

Oui, nous en avons beaucoup des projets en tête et certains sont en développement. La réussite de notre campagne Ulule et le lancement commercial détermineront aussi notre perspective de développement vers de nouveaux matériaux et produits éco-responsables.

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