Au collège héraultais Emmanuel-Maffre-Baugé, le lundi 8 septembre, autour de 200 parents et enseignants ont manifesté contre la gestion de la principale. Des témoignages contre son management avaient déjà éclos à Saint-Nazaire-d’Aude.
Lundi 8 septembre, une semaine après la rentrée scolaire, autour de 200 parents et enseignants ont manifesté devant le collège Emmanuel Maffre-Baugé de Paulhan. Parmi les 38 enseignants, 33 étaient en grève pour dénoncer le “management toxique” de la principale arrivée l’année précédente dans l’établissement, Bakhta M.-B. Au cœur du problème, un « climat professionnel dégradé” que dénonce une majorité de professeurs et de parents, même si certains soutiennent la cheffe d’établissement.
« Comprendre les origines et les causes des dysfonctionnements”
Désormais en arrêt maladie, elle a été remplacée par un nouveau responsable “pour assurer un fonctionnement optimal” du collège, explique Isabelle Chazal, secrétaire générale de l’académie de Montpellier. Un remplacement qui est “plutôt prévu sur le temps long”.
Une enquête administrative a été ouverte par la rectrice, menée par trois agents qui vont procéder à des auditions auprès du personnel et des parents. “C’est un processus interne pour comprendre les origines et les causes des dysfonctionnements parce qu’il y a eu un dysfonctionnement. Ça on le reconnaît et on le regrette”, ajoute la n°2 de l’académie de Montpellier. “Ce qui nous intéresse, c’est d’assurer la sérénité du collège de Paulhan qui a vécu une crise en début d’année.”
Une quarantaine de fiches santé sécurité au travail dans l’Aude
Mais ce n’est pas la première fois que le comportement dysfonctionnel de cette principale est signalé. Le clivage observé au sein du collège de Paulhan rappelle d’autres divisions que lui reprochent certains professeurs de ses précédents établissements.
C’est le cas à Saint-Nazaire-d’Aude, dans le département voisin de l’Hérault, où elle a dirigé le collège Marcelin-Albert pendant sept ans, de 2017 à 2024. “J’ai subi personnellement du harcèlement. Elle me bloquait dans tous mes projets, par exemple en tardant à signer les bons de réservation de transports pour des voyages ou sorties qui étaient finalement annulés au dernier moment”, témoigne une professeure de lettre qui souhaite garder l’anonymat.
“Les AED [assistants d’éducation] sont partis les uns après les autres parce qu’elle voulait les pousser à faire de faux témoignages et espionner les profs, faire le larbin, nourrir son chat ou aller chercher son café”, assure-t-elle. Au total, elle se souvient qu’une quarantaine de fiches santé sécurité au travail (SST) ont été rédigées en deux ans. “J’ai dû moi-même en faire cinq alors que je n’en avais jamais fait une seule en 28 ans de carrière.”
Une autre enseignante du même collège dans l’Aude a aussi fait des fiches SST “pour faire remonter le mal-être et le danger”. Elle signale des “projets entravés systématiquement” ou “la violation du secret de correspondance avec la diffusion de mails personnels”. Elle décrit “un climat anxiogène et de méfiance”. “On s’est heurté au silence de l’administration et c’est ça qui a été douloureux”, ajoute l’enseignante qui a peur de témoigner à visage découvert. Selon elle, après plusieurs années de “management toxique”, c’est une faute professionnelle qui pousse la principale au départ. Elle est mutée à Paulhan dans l’Hérault voisin.
“Un management global qui engendre de la souffrance et qui est très clivant”
Pourtant le comportement de la principale avait déjà été signalé dans son ancien établissement à Pantin, en Seine-Saint-Denis, où elle a exercé de 2015 à 2017. “Quand on isole les faits, on dirait que c’est anecdotique. Mais c’est un management global qui engendre de la souffrance et qui est très clivant”, explique une professeure du collège du Pantin qui ne veut pas donner son nom. Selon elle, trois audiences auprès de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (Dsden) se sont tenues en deux ans.
“On avait des collègues qui arrivaient souvent en pleurs le matin. Elle était parano, par exemple elle ne signait jamais en noir mais en bleu pour s’assurer qu’on ne puisse pas faire de photocopies. Il y avait un climat de suspicion permanente.”
Finalement quand elle part en 2017, c’est le soulagement. “Son départ est une mutation vers l’académie de Montpellier, donc c’est une exfiltration par le haut”, estime-t-elle tout de même. “On n’a jamais eu de reconnaissance ou de réparation. Les chefs d’établissement sont déplacés mais ça ne règle pas le problème. On savait que d’autres collègues allaient souffrir”.
“Le problème n’est pas réglé, il est déplacé”
Benjamin Marol, professeur à Montreuil, n’est pas étonné que l’histoire se répète et se ressemble. “Elle a des problèmes dans tous les établissements où elle est passée. Partout c’est le même schéma : elle divise la première année et règne la deuxième”, observe l’enseignant d’histoire-géographie au collège à Montreuil (Seine-Saint-Denis), où Bakhta M.-B. a aussi été principale. Là-bas, M. Marol se souvient qu’elle avait “fiché l’ensemble des élèves de 6e avec des informations sensibles”. Des fiches qui avaient fuité dans Médiapart en 2011. Par exemple, il se souvient qu’elle avait indiqué : “couple de parents qui vacille”, “élève anormal”, “comportement bizarre”. “C’est un fichage illégal avec des propos déplacés”, s’offusque l’enseignant pour qui “le problème n’est pas réglé, il est déplacé” par les institutions.
Pour l’académie de Montpellier, l’heure est d’abord à l’enquête administrative qui donnera des recommandations que la rectrice pourra suivre ou non. “La difficulté professionnelle est multifactorielle. Donc on ne peut pas seulement dire qu’une personne dysfonctionnelle doit être mutée d’office, radiée ou exclue. On fait des commissions disciplinaires qui respectent un cadre si nécessaire”, précise Isabelle Chazal. Reste à savoir si cette enquête administrative apportera des réponses concrètes aux enseignants et parents qui dénoncent un climat délétère depuis des années.
Thea Ollivier
Photo : la principale est passée par Saint-Nazaire-d’Aude où elle a dirigé le collège Marcelin-Albert pendant sept ans, de 2017 à 2024. @Google Maps