Avec l’Audois Sébastien Pla et le Charentais Daniel Laurent, le sénateur héraultais Henri Cabanel a participé au rapport sur l’avenir de la viticulture. Il a été remis ce mercredi 29 octobre à la ministre.
« Il est important que les pouvoirs publics réunissent le monde de la viticulture autour d’assises, que l’on se dise les choses et qu’on parte ensemble », le sénateur PS de l’Aude Sébastien Pla appelle à l’union. Ou plutôt, c’est l’une des conclusions du rapport de la mission sénatoriale transpartisane à laquelle il a participé avec deux autres membres de la chambre haute : l’Héraultais Henri Cabanel (RDSE) et le Charentais Daniel Laurent (LR). Six mois d’enquête, 220 pages de synthèse, 200 contributions et 70 auditions directes ont débouché sur 23 recommandations pour sauver la viticulture. Un rapport – remis ce mercredi 29 octobre à la ministre de l’Agriculture – qui appelle à l’organisation d’assises de la filière et qui pourrait se résumer en un triptyque : réformer, adapter et surtout s’unir.
« Une multitude d’acteurs qui a tendance à se disperser »
Sébastien Pla
Ce n’est pas nouveau : la viticulture française est en crise depuis de longues années maintenant. Une mission sénatoriale sur l’avenir de la filière, menée par des élus viticulteurs, est en revanche inédite. Durant un semestre, les trois parlementaires ont pu établir un diagnostic précis et avancer des préconisations, parfois irritantes pour le secteur. La première d’entre elles est l’union. « Quand on se rend sur des salons internationaux, on voit l’Italie ou l’Espagne unies, ces pays font bloc. En France, chaque appellation est dans son coin », regrette le sénateur Cabanel. « Vous avez 236 organismes qui gèrent plus de 400 appellations. Le fait d’avoir autant d’appellations est une richesse indiscutable. Maintenant, la question est de savoir comment on promeut cette richesse ? Aujourd’hui, nous avons une multitude d’acteurs qui ont tendance à se disperser. Ce que nous préconisons, c’est de partir sous une même et unique bannière, la bannière France », précise l’Audois Sébastien Pla.
« Production et négoce doivent travailler ensemble »
Une union dans la promotion mais le rapport appelle également à un travail en commun entre négoce et producteurs pour que l’élaboration des vins corresponde plus aux attentes du marché d’une part et que les producteurs soient assurés d’un volume d’achat d’autre part. Une mini-révolution pour la filière. Henri Cabanel en a bien conscience : « Là, on chamboule les habitudes parce qu’on est convaincu qu’il faut une union plus forte sur l’amont et l’aval. Et donc, une proposition phare, c’est que dans les organisations de défense et de gestion, les ODG qui étaient à 97 ou 98 % détenues exclusivement par la profession, on lance une expérimentation et que le négoce rentre, parce que c’est lui qui a le commerce. Et qu’en contrepartie, le négoce, au lieu de jouer aujourd’hui un jeu assez malsain à travers des prix de plus en plus bas, s’engage à une contractualisation quand il a des marchés. »
Le sénateur charentais Daniel Laurent est plus direct dans ses propos : « Pourquoi continuer à produire en masse des vins dont le maillon de distribution explique depuis des années qu’il ne correspond plus à l’état de la demande ? Pourquoi, côté aval, acheter parfois des productions à vil prix alimentant des offres commerciales indignes ou importer du vin de l’étranger alors que la production a plus que jamais besoin de soutien ? » Sujet délicat. « Ce rapport bouscule les choses mais il doit être entendu », concède Henri Cabanel.

Des aides conditionnées à la réussite des assises
Et pour convaincre, tout ce petit monde de se retrouver autour de la table, les rapporteurs proposent que toute nouvelle aide à la distillation ou à l’arrachage « soit conditionnée à la réussite de ces assises, et donc à l’entente entre l’amont et l’aval », a ajouté le sénateur Laurent, voyant dans ce rendez-vous « le lieu où chacun sera mis devant ses responsabilités »: banques, grande distribution, etc.
Dans un contexte budgétaire contraint, ils demandent en outre « d’aller vers l’abandon de l’accompagnement financier des plans individuels d’arrachage pour aller vers des plans collectifs d’arrachage avec une stratégie construite à l’échelle des bassins viticoles », a expliqué le socialiste Sébastien Pla. Le rapport préfère aussi des politiques d’arrachage temporaires plutôt que définitives, alors que la France cultivait 850 000 ha il y a 30 ans, 750 000 aujourd’hui et se dirige « sûrement vers 700 000 ».
« Pendant des décennies, la viticulture a appauvri les sols, il faut maintenant les reconstituer »
Henri Cabanel
Si la viticulture fait face à des changements dans les habitudes de consommation et à des difficultés liées aux droits de douane chinois et américains, elle subit aussi de plein fouet la crise climatique et avec elle son manque d’eau. Un stress hydrique généralisé sur tout le territoire bien que le Sud soit évidemment en première ligne.
Le sénateur Cabanel avance sans détour sur le sujet : « Tout le monde n’aura pas l’eau ! Moi, je suis à la fois viticulteur mais je suis aussi parlementaire et j’ai été élu au niveau départemental, je sais comment tout cela fonctionne. Tout le monde n’aura pas l’eau, d’abord parce que la ressource doit être préservée et surtout, il y a des endroits où, techniquement, ça coûterait trop cher d’amener l’eau. Dans une volonté d’équité, il va falloir permettre aux viticulteurs de ces territoires un petit peu isolés de pouvoir substituer l’irrigation. » Et quand on l’interroge sur la difficulté de la question, Henri Cabanel répond tout de go : « C’est simple. Pendant des décennies, la viticulture française, à travers son mode d’exploitation, a appauvri les sols. Il faut donc absolument les reconstituer, notamment en matière organique, pour leur permettre d’éviter les vapeurs de transpiration lors des canicules que nous connaissons. Permettre à l’eau qui tombe du ciel de pouvoir être beaucoup plus efficace que ce qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ça veut dire que les zones où l’irrigation ne sera pas possible, ou en tout cas plus difficile qu’ailleurs, on financerait la restructuration des sols, c’est une volonté qu’on a souhaitée mettre en avant dans ce rapport. »
La ministre de l’Agriculture a prévu de s’entretenir prochainement et plus longuement avec les trois rapporteurs. « Elle veut légitimement savoir où elle met les pieds », plaisante, à demi-mots, le sénateur héraultais qui avait bel et bien prévenu : « Ce rapport bouscule les choses. »
Arnaud Gauthier
Photo : si les « blanc » s’en sortent mieux, la filière viticole traverse une grave crise. ©DR

 
	
	 
				 
				