Avocate des free parties : « On peut encadrer cela, mais on est censé laisser les gens vivre »

access_time Publié le 08/09/2025.

Après la teuf qui a duré trois jours dans l’Aude sur le site de l’incendie qui a ravagé 16 000 hectares en août dernier, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a déclaré qu’il voulait que l’organisation de rave-parties devienne un délit. Des propos que dénonce Sophie Mazas, avocate membre de la Ligue des droits de l’homme qui défend les teufeurs et les free parties. Interview.

Pourquoi défendre les rave parties, sujet actuellement très clivant ?  
Parce que le texte de loi est très clair : les gens ont le droit de faire des fêtes librement jusqu’à moins de 500 personnes. Au-delà, ils doivent se signaler au service du préfet et une solution est censée être trouvée avec les services de l’état. Le préfet doit poser des prescriptions, orienter, un travail doit être fait pour que les gens puissent vivre librement. Ce service n’existe pas depuis 20 ans. En conséquence, ça génère des difficultés : des fêtes ne sont pas au bon endroit, ça ennuie les riverains, etc. Par exemple, faire une fête dans un endroit Natura 2000 où nichent des oiseaux, ou dans un endroit où les teufeurs se mettent en danger car ils ne savent pas que l’endroit n’est pas sécurisé… Les services de l’État sont défaillants.  

Le préfet de l’Hérault avait déclaré : “Ma principale crainte dans ce type d’événement, c’est l’overdose, le viol, le meurtre”. Qu’en pensez-vous ?  
Avez-vous entendu beaucoup d’affaires de viols pendant les free parties, plus qu’en boîte de nuit ? S’il y a viol, il faut ouvrir une enquête mais pas fermer toutes les boîtes de nuit. Alors oui, il y a des stupéfiants mais même au Sénat, un de nos élus a tenté, sous réserve de la présomption d’innocence, de droguer une de ses collègues pour abuser d’elle. Pensez-vous qu’il n’y a pas de stupéfiants dans les boîtes de nuit ? Malheureusement, les chiffres montrent qu’il y a une recrudescence des stupéfiants partout.  

Qui sont justement ces teufeurs ?  
Ce sont des gens qui veulent écouter de la musique, danser et qui ne trouvent pas d’autre manière de faire la fête que de se ressembler en écoutant de la musique dehors. On ne parle pas de gens qui font du trafic de drogue, qui attaquent des banques, qui détournent de l’argent, qui font de la corruption. C’est vrai que cette musique peut gêner. Et c’est là que l’État doit jouer son rôle : il est là pour organiser l’utilisation commune et coordonnée de l’espace public pour les chasseurs, pour les promeneurs, pour l’association micellaire, pour les ornithologues, pour les teufeurs. On doit partager cet espace. 

 Au JT de 20 h de TF1, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a déclaré que l’organisation de rave-parties doit devenir “un délit et non pas seulement une contravention”. Quelle est votre réaction ?  
Le projet de loi prévoit jusqu’à 1 500 euros d’amende pour les participants et six mois de prison pour les organisateurs. Parce que vous avez organisé une fête qui à la base est libre. Il font quand même qu’écouter de la musique, produire de la musique, faire de la musique, ça participe de la liberté d’expression. Se réunir collectivement, c’est la liberté de réunion, d’association. Donc on peut encadrer cela, mais on est censé laisser les gens vivre. Donc mettre en prison des gens parce que par principe ils ont organisé une fête, c’est une véritable atteinte aux libertés.

Quelles sont les dérives que vous avez pu concrètement observer ?
Lors du dernier Teksud en juillet en Lozère qui a réuni 9 000 personnes, les services de l’État n’ont pas laissé rentrer de l’eau. Les services de l’État ont mis en danger ces jeunes. Une jeune femme est décédée dans un accident de la route. Dans l’Aude, la semaine dernière, les forces de l’ordre ont regardé des agriculteurs créer des accidents routiers volontairement avec des tracteurs qui ont percuté des véhicules avec des gens dedans. C’est extrêmement grave. Ça s’appelle la vengeance ou se faire justice soi-même, ce qui est totalement interdit dans un État de droit. On n’est pas dans la loi du plus fort parce que si on va là-dedans, il y aura des morts. 

Vous parlez de la fête organisée dans l’Aude sur le site de l’incendie historique d’août dernier. Un texte a été publié sur les réseaux sociaux pour s’excuser d’avoir fait la fête sur le lieu de l’incendie et pour dénoncer les violences. Pensez-vous que ce dialogue peut marcher ?   
Ils sont libres. Il y a un dialogue à créer, mais justement j’en ai un peu assez de cette haine qui est suscitée, générée, montée en épingle. Parce que je ne vois pas l’intérêt, on vit tous ensemble. Et ce dialogue, c’est justement la loi qui dit au préfet de l’organiser. Effectivement, eux ne pensaient ne pas détruire parce que c’était déjà détruit. Ils n’ont pas pris conscience de cet impact émotionnel parce que les services de l’État sont défaillants.   

Propos recueillis par Thea Ollivier
Photo : Sophie Mazas, avocate, défend des teufeurs. ©DR

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