Ils ont choisi l’aloe vera pour apaiser la viticulture sur le littoral audois

access_time Publié le 06/06/2025.

À Fitou, Laurent Maynadier travaille depuis des années à diversifier son exploitation viticole. De tests en expérimentations, il croit aujourd’hui fermement au potentiel de l’aloe vera.

« L’aloe vera a des besoins en eau très faibles, entre 50 et 100 fois moins que la vigne ! » Laurent Maynadier est un homme d’action et de conviction. Vigneron de génération en génération sur des terres du littoral audois, exposées à la tramontane, aux coups de chaud et à une aridité désormais persistante. Ses vignes en AOC Fitou souffrent. Comme toute une filière. Lucide et prévoyant, dès 2019, il se met en quête d’une culture complémentaire, adaptée au climat ambiant. Thym, sauge, figuier de Barbarie… Il innove, teste, et finit par jeter son dévolu sur l’aloe vera. Avec une idée précise en tête : démontrer la pertinence de cette plante et structurer une filière locale.

La viticulture face à une triple crise

Le constat est simple, souvent connu mais rarement suivi d’actions concrètes. Pour le vigneron, la viticulture fait face à un triple malaise. Il pose un regard pragmatique sur la situation :
« D’abord une crise climatique : on manque d’eau, les températures grimpent, et les vendanges commencent de plus en plus tôt. Une année sur deux, on vendange dès fin juillet. Ensuite, une crise économique : les décisions internationales, comme les taxes Trump, freinent nos exportations, les stocks augmentent… Et cela renforce la troisième crise, structurelle : le vin n’est plus une priorité, la consommation baisse, et les stocks sont beaucoup trop élevés », détaille-t-il. Et de poursuivre : « Faire ce constat ne doit plus être un tabou. Il y a un mur devant nous et si on continue à cette vitesse et dans cette direction, on va se le prendre. »

Cultiver l’aloe vera et structurer une filière

L’image a le mérite d’être claire. Pour éviter cet écueil, Laurent Maynadier a arraché 9 hectares de vignes sur son domaine du Champ des sœurs, la moitié de sa surface. « Il n’est pas question d’arrêter la vigne, mais il faut s’adapter. »

En parallèle, fort de ses expérimentations menées depuis 2019, il développe la culture d’aloe vera. Il loue 5 000 m² de terrain où poussent ses espoirs verts et produit déjà cosmétiques et jus. « L’étape suivante, c’est de créer un atelier mutualisé pour que chaque producteur puisse extraire les principes actifs », projette-t-il avec une vision collective, celle d’une future filière.

Convaincre et fédérer

Pour cela, il lui faut convaincre, fédérer d’autres producteurs et lever les freins techniques. « Si l’aloe vera coche beaucoup de cases, elle craint l’excès d’eau et surtout le gel. Elle supporte mal les températures proches de 0 °C, et on perd une grande partie des plants à partir de -4 °C. » Une protection adaptée est donc essentielle pour les nuits et matinées d’hiver rigoureux. Mais à Fitou, les contraintes réglementaires compliquent l’installation de serres : « Nos terrains sont soumis à la loi Littoral. On est entre route, voie ferrée et habitations… mais on ne peut pas implanter de serres. C’est assez incohérent », déplore-t-il.

Des cosmétiques made in Fitou. ©A.R.

Pas de quoi entamer sa détermination. Car il en est convaincu : les débouchés sont nombreux. « On fait des jus, du cosmétique, on pourrait utiliser la palme pour de la fibre textile, l’aloïne comme répulsif… et même valoriser encore plus le filtrat, énumère-t-il. Cette année, on va aussi lancer trois nouveaux jus. » Ils sont pour l’heure transformés chez Si Bio, à Thuir, chez les tout proches voisins catalans.

« On verra comment le consommateur réagit », estime Laurent Maynadier. En attendant, il s’emploie à améliorer chaque étape : optimiser l’extraction des principes actifs, trouver le bon matériel pour découper la couche superficielle de la feuille… Les idées ne manquent pas : « Mais l’idée, ce n’est que le début. C’est le plus facile. »

Arnaud Gauthier

Photo : Benjamin Augros et Laurent Maynadier croient en l’aloe vera. ©A.G.

Benjamin, le premier convaincu

Dans sa volonté de convaincre, Laurent Maynadier a croisé la route de Benjamin Augros. Jeune quadragénaire, attaché de presse de métier, il s’est engagé dans une reconversion : « Je viens de passer mon bac agricole, en distanciel avec un lycée d’Albi. » Étape essentielle pour pouvoir s’installer en bénéficiant des aides. La passion de l’aloe vera lui est venue de son stage : « Je l’ai fait chez Laurent et l’idée m’a séduit. » Diplôme en poche, il se lance dans les oliviers et tente aussi l’aventure aloe vera. « J’ai planté 800 pieds cette année pour tester. Le gel a eu raison d’une petite quantité. Ce n’est pas très grave pour l’heure mais quand il y aura de vrais enjeux économiques, ce ne sera plus possible. »

Les premiers plants sur une parcelle de test pour l’heure. ©A.G.

Alors le converti râle lui aussi contre la rigueur d’une loi Littoral incompatible avec les solutions pour protéger les plants des attaques hivernales : « Nous avons travaillé sur des serres tunnel. On ne parle pas de défigurer le paysage mais de structures légères et intégrées. Mais non, c’est refusé. On pousse les viticulteurs à se diversifier et, en même temps, il y a tellement de normes et de contraintes, qu’on ne peut pas faire beaucoup d’autres choses que du vin. »

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